13 avril 2017

[Paix Liturgique] Le Triduum Pascal toujours plus accessible

SOURCE - Paix Liturgique - lettre 590 - 13 avril 2017

Aujourd’hui commence le Triduum pascal. Dans de nombreuses églises du monde, et jusqu’à Hong Kong !, ce Triduum, qui représente le sommet de l’année chrétienne, sera célébré selon la forme extraordinaire du rite romain. Cette célébration est en effet expressément prévue par l’instruction Universæ Ecclesiæ sur l’application du motu proprio Summorum Pontificum. Nous en faisons l’objet de notre lettre en vous souhaitant à tous un saint Triduum !
I – PÂQUES À HONG KONG AVEC LE CARDINAL ZEN
Depuis 2015, la communauté traditionnelle de Hong Kong bénéficie des célébrations du Triduum pascal. Cette année, en dépit de ses 85 ans, c’est le cardinal Joseph Zen Ze-Kiun, soutien aussi bienveillant que zélé du motu proprio de Benoît XVI, qui célébrera la Messe du dimanche de Pâques. Nous avons déjà eu l’occasion de parler, dans notre lettre 174 et notre lettre 468 notamment, de ce salésien qui combat avec constance et vigueur pour la liberté des catholiques de Chine.

Dans un récent dialogue avec le maestro Porfiri (1), le cardinal Zen explique son attachement à liturgie latine et grégorienne par un superbe témoignage – qui épousera sans doute les souvenirs des plus anciens de nos lecteurs car il en allait de même dans toute la catholicité – sur ce que signifiait assister à la messe dominicale dans son enfance :
« Le dimanche, Papa m’emmenait suivre cinq messes et je ne m’y ennuyais aucunement ! Les deux premières messes à l’église paroissiale : la première pour communier et la seconde pour rendre grâces de la communion. Puis on prenait notre petit-déjeuner avant d’aller chez les Sœurs de la Charité : une chapelle sombre, à l’atmosphère mystique, cela me plaisait beaucoup ! Ensuite, la messe chez les franciscains : lumineuse mais très simple. Ils avaient un superbe tableau de saint François. À Shanghai, à l’époque, il était partout : saint François debout au pied de la Croix ; saint François donnant le bras à Jésus et posant le pied sur le globe terrestre... Cela nous plaisait terriblement. Enfin, nous nous dépêchions pour arriver à temps à la messe chantée. En latin. Chantée en latin. Tous les Européens, les Occidentaux, s’y retrouvaient. Et ils me scandalisaient car ils se tenaient toujours debout, y compris pendant la consécration. Nous, nous nous mettions à genoux, y compris quand nous suivons la messe depuis l’extérieur de l’église. Je me disais : et en plus, ils dorment jusqu’à 11 heures et arrivent à la dernière messe ! »
II – CE QUE DIT LA RÉGLEMENTATION DE BENOIT XVI
Il arrive que les fidèles qui demandent la célébration du Triduum dans la forme extraordinaire s’entendent répondre par leur curé, leur évêque ou le vicaire général le représentant, que « cela n’est pas prévu par le motu proprio » et que « à Pâques, il n’est pas question de diviser la communauté ». Sans nous attarder sur l’argument de la division dont on sait bien combien il est fallacieux, il y a là une confusion, involontaire ou non, qu'il est pourtant facile de dissiper : la réglementation de Benoît XVI est en effet très claire à ce sujet.

a) Le n. 2 de Summorum Pontificum rappelle le droit commun depuis la réforme de la Semaine Sainte par Pie XII, en 1955 : nul prêtre n’a le droit de célébrer une messe privée, sans peuple, durant le Triduum pascal, et cela vaut aussi pour les messes en forme extraordinaire.

b) Le n. 33 d’Universæ Ecclesiæ, instruction d'application du motu proprio Summorum Pontificum, donnée à Rome le 30 avril 2011 par le cardinal Levada, alors Préfet de la Doctrine de la Foi et Président de la Commission Ecclesia Dei, précise que la seule condition à la célébration du Triduum est la présence d’un prêtre idoine :
« 33. Le Triduum sacré : S’il y a un prêtre idoine, le cœtus fidelium qui adhère à la tradition liturgique précédente peut aussi célébrer le Triduum sacré dans la forme extraordinaire. Au cas où il n’y aurait pas d’église ou d’oratoire exclusivement prévu pour ces célébrations, le curé ou l’Ordinaire prendront les mesures les plus favorables au bien des âmes, en accord avec le prêtre, sans exclure la possibilité d’une répétition des célébrations du Triduum sacré dans la même église. »
III – LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE
1) L'article 33 d’Universæ Ecclesiæ précise donc que la seule condition à la célébration publique – forcément publique comme le rappelle l'article 2 de Summorum Pontificum – du Triduum pascal est la présence d’un prêtre idoine. Rien d’étonnant à cela puisqu’il s’agit de la condition préalable à toute célébration de la forme extraordinaire. Pour le reste, l’Instruction ne souffre pas d’interprétation restrictive puisque « le curé ou l’Ordinaire » sont invités à prendre « les mesures les plus favorables au bien des âmes, en accord avec le prêtre [idoine], sans exclure la possibilité d’une répétition des célébrations du Triduum sacré dans la même église ». Cette possibilité de répétition répond à l’objection qui veut qu’il ne pourrait pas y avoir deux messes du Jeudi Saint, par exemple, dans la même église et que, donc, dès lors que la forme ordinaire y est célébrée, la forme extraordinaire y serait prohibée. L’Instruction dit clairement le contraire : s’il n’y a pas « d’église ou d’oratoire exclusivement prévu » pour la forme extraordinaire, comme dans le cas d’une application paroissiale du motu proprio, alors le Triduum peut être célébré dans les deux formes dans la même église.

2) Vous aurez compris que si nous avons choisi Hong Kong comme exemple de la célébration de plus en plus universelle du Triduum sacré selon le missel de saint Jean XXIII, c’est seulement pour vous faire partager le témoignage émouvant, et puissant, du cardinal Zen. Sans aller jusqu’à 5 messes dominicales, les plus âgés d’entre nous ont connu le temps où les personnes pieuses se rendaient trois fois à l’église le dimanche :pour communier dès la première messe (la discipline du jeûne eucharistique en vigueur avant l’allègement de Pie XII, en 1953, prescrivait aux prêtres et aux fidèles en bonne santé de se priver de toute nourriture solide et de toute boisson, y compris d’eau, depuis minuit jusqu’à la communion) ; pour assister à la grand-messe, ses chants et son sermon ; et pour participer aux vêpres l’après-midi. Cette générosité dans la piété, si démodée hélas aujourd’hui, a caractérisé des générations de fidèles et pas simplement dans nos campagnes à la fin du XIXème siècle mais aussi en ville et dans le monde entier, jusqu’au fin fond de l’Asie et jusqu’à la veille du concile Vatican II. Elle a produit des cohortes de saintes familles, de saintes religieuses et de saints prêtres dont le cardinal Zen est incontestablement l’un des derniers représentants.
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(1) L’Agnello e il Dragone, Dialoghi su Cina e Cristianesimo, Cardinal Joseph Zen et Aurelio Porfiri, Chorabooks, 2017.