18 octobre 2016

[Paix Liturgique] Un évêque proche de ses brebis extraordinaires


SOURCE - Paix Liturgique - Lettre N°565 - 18 octobre 2016

Mgr Demetrio Fernández, l’évêque de Cordoue, bien connu en Espagne pour ses prises de position courageuses, a adressé début juin une lettre d’encouragement aux participants à la première rencontre Summorum Pontificum d'Andalousie, C’est la lettre d’un pasteur attentif et bienveillant.

I – LA LETTRE DE L’ÉVÊQUE DE CORDOUE

Lue à la fin de la messe célébrée le samedi 4 juin 2016 en la basilique de Montilla (ville des environs de Cordoue), la lettre de Mgr Demetrio Fernández a en outre été publiée dans l’hebdomadaire diocésain d’information et de formation (Iglesia en Córdoba) dans le cadre d’un reportage sur cette journée régionale vouée à la découverte et à la promotion de la liturgie traditionnelle. 
Cordoue, le 4 juin 2016
Aux participants de la première rencontre Summorum Pontificum d’Andalousie
Bien chers fils,
Il y a de cela neuf ans, par le motu proprio Summorum Pontificum, le pape Benoît XVI a reconnu le droit des fidèles de célébrer et de participer à la Sainte Messe selon le Missel approuvé par saint Jean XXIII en 1962 et qui était l’actualisation de celui promulgué par saint Pie V et confirmé successivement depuis par les Souverains Pontifes.
Le proprio établit des normes pour la célébration de ce vénérable rite – qui n’a jamais été aboli – et dans lequel de nombreux fidèles se reconnaissent au moment de célébrer l’unique Saint Sacrifice de la Messe qui se célèbre selon différents rites à travers l’Église universelle. Summorum Pontificum précise que la forme ordinaire du rite romain est régie par le Missel du Bienheureux Paul VI et que la forme extraordinaire est celle célébrée selon le missel de saint Jean XXIII, et que l’on doit éviter à tout instant d’opposer ces formes liturgiques l’une à l’autre ou les instrumentaliser pour fomenter des divisions dans l’Église.
ces lignes, je souhaite me faire présent parmi vous alors que vous célébrez la Messe traditionnelle à Montilla, en la basilique mineure Saint-Jean-d’Avila, docteur de l’Église, pour vous donner ma bénédiction et vous encourager dans vos bonnes intentions. Jésus-Christ, prêtre et victime qui s’offre sur l’autel pour la rédemption de tous les hommes nous invite à nous unir à son offrande par l’offrande notre vie. Que la participation à ce Saint Sacrifice vous fasse témoins de l’amour de Dieu pour tous les hommes et spécialement pour ceux qui en ont le plus besoin, en leur âme comme en leur corps. À Marie, notre très sainte mère, je recommande chacun d’entre vous, vos familles et vos intentions : Monstra te esse Matrem.
Aidez le monastère San José del Oasis de Jesús Sacerdote (Saint-Joseph de l’Oasis de Jésus- Prêtre, ndt), récemment installé dans le diocèse de Cordoue et qui, au nom de son charisme contemplatif, célèbre toujours la forme extraordinaire de la liturgie. Ce monastère qui s’installe a besoin de vous : Dieu vous le rendra.
Soyez assurés de ma sincère affection sincère pour tous les participants et recevez ma bénédiction. 
II – LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE

1) En dépit de la marginalité de la liturgie traditionnelle en Espagne, le sondage réalisé par l’institut Ipsos pour Paix liturgique en 2011, à l’occasion des JMJ de Madrid, avait révélé qu’un pratiquant sur deux était prêt à assister au moins une fois par mois à la forme extraordinaire de la messe. Depuis 2011, la célébration de la liturgie traditionnelle a de fait progressé dans le pays, gagnant peu à peu de nouveaux diocèses. Cette croissance lente mais certaine s’appuie essentiellement sur l’action de groupes de fidéles demandeurs patients et déterminés comme celui à l’origine de la journée de Montilla.

2) Rappelons, comme nous l’avions fait dans notre lettre 293, que « la marginalité de la liturgie traditionnelle en Espagne tient au contexte historique et culturel dans lequel a été accueillie la réforme conciliaire ». Le catholicisme était en effet religion d’État à l’époque de l’entrée en vigueur du missel de Paul VI. Mais il allait cesser rapidement de l’être, car le texte sur la liberté religieuse et la politique de Paul VI visait prioritairement la très catholique Espagne. Plus que la liturgie, c'est de fait la question de la succession de Franco qui préoccupait ceux des catholiques espagnols qui se sentaient bousculés par les réformes conciliaires. En outre, dans une culture espagnole historiquement très papiste, nul prêtre ou laïc n’aurait songé à contester une réforme romaine, pas plus d’ailleurs qu’à profaner la liturgie comme on a pu le faire le long du Rhin ou de la Seine... Dans ce contexte particulier, surtout sensible à la doctrine du Christ-Roi, l’Espagne a donné vie à un grand mouvement de résistance aux menées modernistes : la Hermandad Sacerdotal (plus de 5000 membres) que soutenait l’évêque de Cuenca de l’époque, Mgr José Guerra Campos (1). La Hermandad ne fit toutefois pas de la défense du missel traditionnel un cheval de bataille. Néanmoins, peu à peu, la question liturgique émergea lentement en Espagne. Dès 1978, Mgr Lefebvre recevait un accueil triomphal à Madrid.

3) La seule initiative de préservation de la liturgie traditionnelle espagnole fut en fait celle de l’Oasis de Jesús Sacerdote, fondée en 1965 dans le diocèse de Barcelone comme association de fidèles vouée au service des prêtres et à la conservation de la messe traditionnelle. Devenue communauté de vie contemplative, priant pour le maintien du sacerdoce catholique mais maintenant sa fidélité à la liturgie héritée de saint Grégoire-le-Grand, elle perdit son statut diocésain mais reçut le soutien au fil des décennies de Mgr Lefebvre, de Mgr Lazo, évêque émérite philippin ayant rejoint la Fraternité Saint-Pie X dans les années 90, et de Mgr Rangel, le successeur de Mgr de Castro Mayer à Campos. En 2007, son fondateur, le P. Muňoz, obtint de Rome la reconnaissance de sa fondation et son érection en monastère sous l’égide de la commission Ecclesia Dei. C’est donc cet institut, auquel il a permis d’ouvrir une fondation dans son diocèse en 2014, que Mgr Fernández demande instamment aux fidèles de soutenir à la fin de sa lettre.

4) Dans une société espagnole où certains tentent de rallumer les feux de la guerre civile en niant à l’Église toute parole publique, Mgr Fernández fait partie des pasteurs qui passent outre et continuent inlassablement de prêcher l’Évangile dans la fidélité au magistère. Il est l’un des grands promoteurs de la famille traditionnelle, pourfendeur de l’idéologie du genre et résistant au diktat LGBT. Dans un autre domaine, il a aussi rappelé à de nombreuses reprises l’identité catholique de la « mosquée » de Cordoue face aux menées d’une gauche espagnole qui voudrait la « restituer » aux musulmans. Bref, il s’agit d’un évêque ne laissant personne indifférent : ni les ennemis de la Foi, ni ses ouailles qui le suivent avec enthousiasme.

5) « Bien chers fils » : c’est en père affectueux et attentionné que Mgr Fernández s’adresse aux participants à cette journée de promotion du motu proprio de Benoît XVI. Sa lettre, qui respire bonté et bienveillance, et rappelle l’exigence pour tous d’œuvrer à la paix liturgique, est un vrai réconfort pour le cœur et l’âme de tous les fidèles qui se sentent encore mis au ban de leur Église locale en raison de leur attachement à la forme extraordinaire du rite romain.
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(1) Homme courageux et décidé, Mgr Guerra Campos (1920-1997) – adversaire déclaré du cardinal Vicente Enrique y Tarancón, archevêque de Tolède puis de Madrid, lequel a accompagné la transition religieuse et politique de l’Espagne – envisagea même un temps avec ses amis, notamment l’archevêque de Burgos, de constituer une Conférence épiscopale opposée à celle présidée par le cardinal de Madrid. Même s'il se concentrait avant tout sur les questions doctrinales et magistérielles, il accepta d’ordonner et d’incardiner dans son diocèse un certain nombre de prêtres français persécutés parce que traditionnels.