15 septembre 2013

[Abbé Pierre Roy, fsspx - Convictions] Des étoiles errantes

SOURCE - Abbé Pierre Roy, fsspx - Convictions - septembre 2013

Quarante ans de labeur

Le bien fait peu de bruit et le bruit fait peu de bien. Un dicton africain confirme cette pensée : « Un arbre qui tombe fait plus de bruit qu’une forêt qui pousse ». Depuis bientôt quarante ans la Fraternité sacerdotale Saint-Pie X tâche de reconstruire une chrétienté dans notre cher Québec qui a bientôt perdu la totalité de ses valeurs et de ses racines. La sueur n’a pas été épargnée, les sacrifices non plus, et tout a été mis en œuvre pour provoquer le recul des forces du mal…

Vous les reconnaîtrez à leurs fruits

Les fruits sont au rendez-vous : chaque année désormais nous avons la joie de voir certains de nos jeunes se consacrer à Dieu… Les vocations issues de l’École Sainte-Famille ne se comptent désormais plus sur les doigts des mains. De nombreux jeunes également se proposent de faire avancer le règne du Christ-Roi, en se mariant dans le sang de Notre-Seigneur Jésus-Christ, par le sacrement de mariage. Plusieurs jeunes filles ont suivi les cours de pédagogie de l’État, bien malgré elles, et se donnent à l’œuvre de l’éducation de nos enfants… C’est toujours avec joie que les anciens se retrouvent et se racontent les histoires du temps où « on était à l’École ». L’École… Pour eux il n’y en a qu’une, et elle est sise au sommet du fjord devant l’île enchanteresse d’Orléans… Ils lui doivent tout, et ils le savent bien. Ils y ont commis pas mal de bêtises, souvent bien innocentes, mais bien plus, ils y ont puisé la source d’une solide vie chrétienne qui les suit désormais et leur sert de garde-fou quand le monde est trop fort… L’École a tissé entre eux des liens solides d’amitié, qui les aident à tenir bon ou qui décident l’enfant prodigue à se mettre en route quand il rêve de la maison paternelle. Les joies demeurent, les épreuves qu’on a vécues se dissipent et s’inclinent devant elles… Comment ne pas exprimer notre reconnaissance pour tout ce qui nous a été donné dans ce cher et très vénérable institut de formation de notre jeunesse!

Des havres de Foi

Si les efforts ont été concentrés sur ce coin de terre, parce que l’union fait la force, on pourrait en dire autant de toutes nos chapelles quelles qu’elles soient. Toutes nos petites églises ont été des havres de foi et de spiritualité solide, des forteresses de fidélité, et à toutes nous sommes attachés de toutes les fibres de notre être comme au berceau de notre foi ou de notre retour au Christ Jésus. Chacune a porté et porte encore ses fruits de sanctification et de don de soi et toutes sont au rendez-vous de la résistance à l’actuelle débandade que subit notre pays et la chrétienté toute entière…

Des êtres revêtus de faiblesse

Est-ce à dire que la Fraternité a forgé des invulnérables? Des hommes de fer, insensibles aux attaques de l’ennemi? Le prétendre serait folie, et les faits sont là pour montrer l’inanité d’une telle prétention. Nos familles, nos jeunes, nos prêtres, nos religieux sont des êtres humains, avec leurs forces et leurs faiblesses. Il leur arrive de subir à des degrés divers les foudres de l’ennemi du genre humain. L’attrait du monde est fort! Le péché originel nous tire vers le bas… Certaines familles n’ont plus la force et la détermination que l’on admirait chez les premiers qui sont montés sur les murailles pour défendre la forteresse… 40 ans à subir les vents contraires ont bien laissé quelques dommages à l’une ou l’autre voile du bâtiment… Quelques cordages sont noués…

Un lion rugissant

Le démon aussi, comprenons-le, est au rendez-vous, comme il l’est auprès de tout ce qui peut se faire de bien. Il cherche à semer la zizanie et la division, et, signe de sa faiblesse et de son désespoir, il ne peut le faire directement, mais doit employer un moyen détourné : la tentation sous apparence de bien. Il est, ne l’oublions pas, un esprit angélique. Sa ruse et sa fourberie dépassent l’entendement humain, et il n’est rien devant quoi il ne recule pour inoculer son venin. Il s’applique par exemple à mettre en lumière et à montrer du doigt le mal dont il est l’auteur et qu’il réussit à introduire dans toutes les œuvres humaines. Il veut ainsi faire oublier tout le bien que Dieu construit, et lancer à l’attaque de l’édifice les énergies et les forces de ceux qui manquent de discernement et de prudence et qui devraient bien au contraire voir ses cornes crochues derrière l’apparence trompeuse d’une résistance à l’infidélité d’autrui.

Le voilà qui cherche à susciter des redresseurs de torts. Sus à la forteresse, ne voyez-vous pas qu’elle n’est pas parfaite? Mais coulez donc ce navire, ses cordages ne se sont-ils pas emmêlés dans la tempête? Le capitaine n’a-t-il pas fait une mauvaise manœuvre? Tous les hommes à la mer, le bateau est secoué par les flots, il subit les foudres des nuées et les caprices des vents…

Des étoiles errantes

Et l’on se met à la remorque d’étoiles errantes (Jude I,13), annonciatrices de ruines, allant de maison en maison, cherchant qui dévorer… en oubliant que tous les pasteurs qui ont construit les forteresses dont nous parlons, qui ont tour à tour tenu la barre du navire, sont tous encore dans la ville-forte pour la défendre. Je veux parler des anciens… des prêtres qui ont ouvert nos chapelles, qui ont tenu les rênes de notre école, que nous avons admirés, que nous avons suivis résolument… Où sont-ils, ces vaillants défenseurs de la Foi? Aux postes que leur a assignés le capitaine! Ils ont peur, eux aussi, que la forteresse ne s’écroule. Aussi sont-ils chacun à leur canon! Pas question pour eux de jeter leur barque au milieu des flots et de saboter le navire!

Un mauvais arbre...

Mais certains signes ne trompent pas. Quand il inspire de grands combats, avec l’esprit de vérité, Dieu donne aussi à ses soldats un esprit de douceur et de mansuétude, une charité sans borne pour les âmes, une volonté efficace de ne pas semer ruine et confusion autour d’eux. Au contraire, le démon susurre la méfiance, le doute, la crainte. Il est partisan des grands écroulements. Il aime faire table rase, détruire les réputations, chercher les fautes et les pailles dans l’œil du prochain. Il remplit ceux qu’il manipule d’un invraisemblable orgueil, au point de leur faire croire qu’ils sont désormais les seuls croisés du Christ, au point de leur faire déclarer haut et fort que, c’est certain, les autres ont trahi, et il les jette dans un aveuglement incommensurable, si bien qu’il n’est rien devant quoi ils ne reculent ; « voulant filtrer le moucheron » des manquements d’autrui, ils « avalent le chameau » de leurs détractions. L’œuvre du malin se voit par le trouble et le bruit qu’elle suscite. Le mal est non-être. Il doit toujours s’enraciner tel un parasite sur quelque chose d’existant. Plutôt que de participer sincèrement à la construction d’un édifice solide, il préfère s’en prendre à ce qui existe sous prétexte de purification. Quoi d’étonnant, le mal est non-être, destruction, anéantissement…

À la suite du divin Maître

Le divin Maître est plus doux. Loin de favoriser l’ivraie, il nous demande de laisser pousser le bon grain, même si l’ivraie cherche à l’étouffer, et de ne pas livrer à la fureur des flammes l’ensemble du champ semé par son Père. À Jean et Jacques qui lui demandent : « Seigneur, voulezvous que nous commandions que le feu descende du ciel et consume cette ville? » (Luc IX,54), Notre-Seigneur adresse des réprimandes. « Le Fils de l’homme est venu pour chercher et sauver ce qui périssait». (Luc XIX, 10)

Abbé Pierre Roy