24 mars 2015

[Le Rouge & le Noir] Chanoine Bergerot (ICRSP), missionnaire au Gabon : « Notre paroisse est devenue un centre rayonnant »

SOURCE - Le Rouge & le Noir - 24 mars 2015

Le chanoine Bertrand Bergerot (Institut du Christ Roi Souverain Prêtre) est curé de la paroisse Notre-Dame de Lourdes, à Libreville (Gabon). La paroisse Notre-Dame de Lourdes est en plein développement : une splendide église est en cours de construction. Sa façade ornée d’azulejos suscite déjà l’admiration. Il vous est loisible de soutenir l’élan missionnaire de la paroisse en faisant un don. Monsieur le chanoine Bergerot a bien voulu répondre aux questions du Rouge & le Noir.
R&N : Monsieur le Chanoine, pouvez-vous vous présenter, ainsi que votre mission à Libreville, capitale du Gabon ?
Chanoine Bergerot : Jeune prêtre français de 30 ans, j’ai été ordonné à Florence, le 7 juillet 2011, par Son Em. R. le Cardinal Burke, après sept années d’études au séminaire de l’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre, à Gricigliano.

Lors du Chapitre suivant, mon supérieur, Monseigneur Gilles Wach, m’a nommé vicaire de notre paroisse Notre Dame de Lourdes de Libreville, au Gabon, paroisse dans laquelle j’exerce mon ministère pour la quatrième année, et dont je suis devenu le curé récemment.

Au début de mon séminaire, je ne pensais pas du tout devenir missionnaire en Afrique. Recevant leur affectation dans l’obéissance, les prêtres de l’Institut sont prêts à partir aux quatre coins du monde. En ce qui me concerne, il est vrai qu’il m’a semblé recevoir un appel particulier pour notre apostolat du Gabon au cours de ma cinquième année de séminaire ; je m’en étais alors ouvert à mes supérieurs, tant du for interne que du for externe… mais ça n’était qu’une proposition « gratuite », si j’ose dire !

C’est pourtant ainsi que tout fraichement ordonné, et non sans appréhension, je suis arrivé à Libreville… où j’ai tout découvert, ne connaissant encore de l’Afrique que ce que les livres en disent!

La paroisse, déjà très vivante, avait été ouverte 5 ans auparavant, à la demande de l’Archevêque métropolitain de Libreville, Mgr Basile Mvé Engone. C’était alors, et c’est toujours, un grand chantier.

Située au confluent de plusieurs quartiers déshérités de Libreville, notre paroisse est vite devenue un centre rayonnant. Les quelques cinq cents fidèles qui s’y retrouvent chaque dimanche, la fréquentent aussi régulièrement en semaine, pour une confession, une bénédiction, ou un entretien. Nos confrères Prêtres de Libreville qui connaissent notre disponibilité, n’hésitent pas à nous adresser leurs fidèles pour ces actes ministériels lorsqu’ils sont empêchés.

Assisté par mon vicaire, le Chanoine Arrasate Iragui, et par deux séminaristes stagiaires, nous donnons le catéchisme à environ deux cents cinquante élèves, baptisons une grosse centaine de personnes par an (dont une vingtaine d’adultes), et assurons l’encadrement d’une quinzaine de groupes paroissiaux dynamiques.

A côté de ces tâches purement sacerdotales, nous avons comme toute paroisse un rôle social important. Nous faisons de notre mieux pour encadrer les jeunes des quartiers qui viennent à nous, quand nous n’allons pas les chercher chez eux. Chaque semaine, un patronage (chorales, théâtre, sport…) réunit une centaine de jeunes. La paroisse vient également en aide à de nombreuses personnes démunies : nous offrons notamment de l’eau potable, une fontaine ayant été édifiée sur le terrain de la paroisse grâce à la générosité de nos bienfaiteurs ; nous aidons à la scolarisation des enfants, en finançant des scolarités et par du soutien scolaire. Nous récoltons et distribuons régulièrement de la nourriture et des vêtements, et nous sommes arrivés aussi à organiser des campagnes de vaccinations gratuites sur la paroisse. Nous allons presque quotidiennement à la rencontre des habitants des quartiers, pour bénir leurs maisons, visiter les malades, assister les mourants et prier auprès des défunts. Inutile de dire que cette présence nous donne une visibilité toujours croissante et attire de nombreuses âmes à l’église.
R&N : Quelle est la réception d’une communauté catholique – et notamment traditionnelle, comme celle dont vous avez la charge - au Gabon ?
Chanoine Bergerot : Je dois dire qu’elle est excellente, tant de la part des autorités civiles et religieuses que des fidèles, et ce, quelle que soit la « forme » du rite qu’ils ont l’habitude de fréquenter.

La mentalité est évidemment très différente, et nous en apprenons tous les jours, même après plusieurs années passées en Afrique. J’ai tout de suite été frappé par l’accueil très chaleureux de la population. Les Gabonais ont un grand respect du prêtre et nous sont reconnaissants d’avoir quitté père, mère et pays pour venir les servir chez eux. Ils savent en témoigner. Lorsque mes parents sont venus me visiter, plusieurs paroissiens leur ont dit : « Merci de nous avoir donné votre fils ! ». Humbles et grands, ils ont souvent su les en remercier. Certains ont donné un pagne, d’autres des fruits… Une simplicité toujours très touchante.

L’âme africaine demeure indéfectiblement respectueuse des « Anciens » ou des « ancêtres ». Vivre la liturgie de leurs pères, la liturgie de ceux qui ont porté l’Evangile au Gabon, la liturgie du premier prêtre gabonais, n’est pas un obstacle pour eux, bien au contraire. Cela les aide à se plonger davantage dans les profondeurs de la Foi et à faire corps avec l’Eglise, cette Eglise « de toujours » qui a traversé les siècles.

Ceci-dit, depuis plusieurs décennies, les églises dites « du réveil », ces sectes protestantes charismatiques et bruyantes, ont fait beaucoup de mal. Proliférant très vite dans tous les milieux, elles ont répandu entre autres erreurs, une certaine forme de relativisme, touchant aussi malheureusement un grand nombre de catholiques. La forme extraordinaire du rite romain, par sa sobriété, sa profondeur et sa richesse doctrinale, est bien armée pour combattre ce fléau. Nous observons beaucoup de conversions de personnes qui passent directement des sectes à la liturgie traditionnelle.

Nous pourrions croire de loin que le latin est le plus grand obstacle au développement de la forme extraordinaire sur le continent africain. Mais à y regarder de près, nous constatons qu’il n’en est rien. Au contraire, les Africains aiment la langue universelle de l’Eglise. Elle les rapproche de Rome et du Pape. Beaucoup de fidèles nous demandent d’ouvrir des cours de latin à la paroisse. De nombreux Catholiques, fidèles de la Paroisse ou non, peuvent vous chanter la messe de requiem par cœur. Tous nos enfants de chœur savent répondre à la messe basse, ce qui, me semble-t-il, est loin d’être le cas en France ! On pourrait arguer le manque de compréhension… mais nos fidèles savent tout aussi bien se servir d’un missel que les autres ! Enfin pour clore cette question, il est bon de rappeler qu’il n’existe pas moins de quarante langues au Gabon… Lorsque l’une de nos chorales chante un chant « en langue », c’est en l’une de ces nombreuses langues indigènes ! Une bonne partie de la paroisse n’en comprend pas les paroles…
R&N : Quelles sont les différences majeures avec une paroisse européenne, alors que l’Occident déchristianisé est de plus en plus une terre de mission ?
Chanoine Bergerot : Je me rappelle bien ce que Monseigneur Wach m’avait dit avant mon départ pour l’Afrique : « Vous verrez Monsieur le chanoine, que si beaucoup d’âmes sont chrétiennes, la terre ne l’est pas. » En effet, la chrétienté gabonaise est très récente : quelques cent cinquante années.
Il faut le comprendre : même si aujourd’hui, malheureusement, l’Europe renie son passé comme son identité, la terre, elle, reste chrétienne : combien de martyrs l’ont empourprée de leur sang, combien d’églises et de cathédrales y enracinent encore glorieusement leurs fondations, combien de messes y ont été célébrées, de rosaires récités… Ici, rien de tout cela : l’heure est encore au « débroussage », comme on dit ici.

Pour parler clairement, les chiffres officiels parlent d’une population catholique à 70%. Mais selon certains, 80% de ces derniers seraient en même temps animistes. C’est dire !
R&N : S’il est possible de définir l’esprit missionnaire qui anime votre communauté, quels termes utiliseriez-vous ?
Chanoine Bergerot : Permettez-moi de vous citer cette belle phrase, extraite d’une lettre d’encouragements que le Cardinal Palazzini a écrite en 1992 aux premiers missionnaires de l’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre : « Tout missionnaire ne l’est authentiquement que s’il désire ardemment la sainteté. »
La vie canoniale que nous menons à l’Institut, constituée par la régularité des offices chantés au chœur et la liturgie solennelle, doit nous aider à nous sanctifier en recherchant d’abord la gloire de Dieu, afin de mieux servir l’Eglise et les âmes. Cette façon de vivre nous ramène plusieurs fois par jour à l’Essentiel, au Bon Dieu. Sans cela, le reste est vain. « A quoi sert à un homme de gagner le monde, s’il vient à perdre son âme ? » (Marc 8,36) Comme le disait Sainte Jeanne Berretta Molla, « on est apôtre en étant d’abord à genoux. »

Face à un tel champ d’apostolat, la tentation est grande de se disperser, au risque de tomber dans l’activisme. Ceci d’autant plus vrai dans une paroisse en construction et en plein essor ! La vie communautaire et fraternelle nous est d’un grand secours. Mieux encore, elle nous porte. Nous la tenons et elle nous tient !

Prêtres de l’Institut du Christ Roi, nous essayons de bien vivre notre devise, « la Vérité dans la Charité », nous rappelant souvent avec saint François de Sales, qu’on attire plus d’abeilles avec du miel qu’avec du vinaigre.
R&N : Vous construisez actuellement une splendide église, dont la façade est ornée d’azulejos. Quelle est la genèse de ce projet ? Où en êtes-vous, et comment vous aider ?
Chanoine Bergerot : Nous sommes arrivés à Libreville à la demande de l’Archevêque, S. Exc. R. Mgr Basile Mvé Engone, afin de donner, selon notre esprit propre, une nouvelle paroisse à la capitale du Gabon.

En 2004, grâce à un providentiel héritage, l’Institut a pu acquérir un terrain qui comprenait une maison d’habitation, une ruine et un garage. Aussitôt, une petite pièce de la maison a été aménagée en chapelle. Cette dernière, rapidement devenue trop petite, a été déplacée dans une pièce plus grande, avant que le Chanoine de Ternay ne construise une chapelle provisoire… pour finalement commencer en 2006 les travaux de la grande église paroissiale, qui pourra accueillir environ 1000 fidèles.

La façade de l’église, qui vient d’être terminée, est recouverte d’azulejos, des faïences portugaises peintes à la main. Très exactement, ce sont quelques 11 127 carreaux qui accolés les uns aux autres, forment des tableaux représentant des scènes de l’Evangile et les saints patrons de l’Institut du Christ Roi Souverain Prêtre : un véritable catéchisme à la portée de tous. Le résultat, effectivement splendide, est unique en Afrique.

C’est à l’Abbé Alexander, intendant d’Art sacré pour l’Institut, et décoré de la médaille Benemerenti par le Pape Benoit XVI pour d’autres travaux réalisés aux Etats-Unis, que nous devons cette idée. Il se trouve en effet que les azulejos sont particulièrement adaptés pour résister au climat très humide du Gabon. Ils sont d’un entretien facile, dans une ville sale et polluée. La saison des pluies sera d’un grand secours pour maintenir la propreté de la façade !

Des fidèles du monde entier (Europe, Etats-Unis…) nous ont aidés à réaliser notre église. Et même nos fidèles les plus humbles sont heureux et fiers d’apporter chaque dimanche leur petite pièce en obole, lors de la deuxième quête consacrée à la construction de la maison de Dieu : c’est leur église !

Je me permets de le souligner, car la beauté de cette église n’a rien de superflu. Il faut en saisir l’importance pour nos fidèles et pour tout Libreville. Au milieu de quasi bidonvilles, au milieu d’une grande pauvreté morale et spirituelle, elle élève l’âme vers Dieu. Comme me le disait une « maman » de la paroisse, « quand on voit cela, on a l’impression d’être déjà au ciel. »

A l’heure actuelle, nous travaillons à terminer la place de l’église, afin de pouvoir inaugurer la façade le 15 août prochain, en présence des autorités locales et d’un Cardinal qui viendra tout spécialement de Rome pour cette occasion.

Ensuite il nous restera tout l’intérieur, actuellement aménagé de manière provisoire. La tâche qui reste à accomplir est immense. Nous comptons sur l’aide de l’Immaculée Conception, toujours présente à nos côtés malgré de nombreuses difficultés, pour mener ce beau projet à terme.

Priez pour nous ! Vous imaginez bien que cette œuvre ne plait pas au diable… Il sait sans doute que de nombreuses âmes lui échapperont en entrant dans cette église.

Comme disait Mgr Bessieux, qui fut le premier évêque du Gabon, le missionnaire est un « perpétuel mendiant »… Bien sûr, il est encore temps d’apporter votre pierre à l’édifice ! Et je remercie par avance les âmes généreuses qui voudront bien nous aider. Que Notre Dame du Gabon les bénisse !
R&N : Quels conseils pouvez-vous donner à nos jeunes lecteurs qui ont soif d’engagement ?
Chanoine Bergerot : Bien que distants de 6000 km, séparés par la Méditerranée et le désert du Sahara, nous avons été heureux de voir la réaction de la jeunesse chrétienne face à la dramatique crise de notre vieille civilisation.

Effectivement, l’heure est à l’engagement ; il n’y a pas d’autre choix : « Qui n’est pas avec Moi est contre Moi, qui n’amasse pas avec Moi disperse. » C’est une question de survie. Pour paraphraser Saint-Exupéry, la jeune génération doit se rendre compte que tout Chrétien est une sentinelle et que chaque sentinelle a la garde de tout l’Empire.

C’est sans doute notre croix, mais aussi notre honneur et il nous faut répondre généreusement à l’appel que Dieu nous adresse individuellement.

« N’ayez pas peur, lançait le Pape Benoit XVI aux jeunes, n’ayez pas peur de Dieu ; il n’enlève rien, mais il donne tout ! »

Pour nous contacter :
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