4 janvier 2015

[Peter Kwasniewski - Corpus Christi Watershed] La messe parmi les pauvres

SOURCE - Peter Kwasniewski - Corpus Christi Watershed - version française par Notions Romaines - 4 janvier 2015

J’ai remarqué un étrange postulat en filigrane dans presque tous les textes des libéraux, des progressistes, des modernistes et des hippies vieillissants à propos de la résurgence de la messe latine traditionnelle. Ils semblent penser de cette messe qu’elle est une pièce à part du musée de la méticulosité baroque, célébrée par des rubricistes sans chaleur pour des congrégations de nostalgiques peu charitables et ce dans une atmosphère de dogme et de richesse superflue. Mais peut-être n’est-il pas surprenant que de tels stéréotypes soient la perception dominante chez ceux qui connaissent si peu la scène traditionaliste contemporaine.
Bien que certains puissent en être surpris, je considère très à propos que les Servants missionnaires des Pauvres du tiers-monde – un apostolat héroïque dont les prêtres, les religieuses et les laïques travaillent auprès de gens extrêmement pauvres – aient découvert au cours des dernières années le trésor de l’usus antiquior et l’aient adoptée comme source puissante de vie et d’énergie pour leur ministère. D’autres congrégations religieuses découvrirent et adoptèrent aussi la messe traditionnelle telles les Missionnaires de la Charité et les Franciscains de l’Immaculée, un ordre qui était encore florissant il n’y a pas si longtemps. Concernant l’assistance, c’est un fait connu que les pauvres, contrairement à tous les pronostiques du clergé et des experts, ont accouru aux messes célébrées selon l’usus antiquior. La révérence manifeste, le silence lourd de sens, les symboles évocateurs de la messe ancienne parlent avec éloquence aux âmes simples qui y trouvent une rencontre avec la Passion du Christ qui donne sens à leurs propres souffrances.
Le rite romain traditionnel possède une pureté de concentration et une passion d’une rare force qui rendent ce rite particulièrement approprié pour des missionnaires radicalement pauvres œuvrant avec les pauvres. C’est une liturgie qui diminue l’ego du célébrant en le plongeant dans un rituel qui est son maître exigeant et non son jouet; et pourtant, c’est une liturgie imprégnée de gestes amoureux: l’autel est embrassé à maintes reprises, des phrases frappantes sont répétées comme lorsque l’on fait souvent lors de situations intenses. Cette messe a la vertu de la pureté du cœur que Kierkegaard définissait comme «la volonté d’une chose». Cette messe «veut» le Sacrifice de la Croix et elle y soumet tout le reste. Comme tel, elle est une école incomparable de pauvreté de l’esprit, conformant l’adorateur au cœur pur du Christ.
Chez les pauvres blottis dans une hutte, devant lesquelles se tient un prêtre hirsute à la soutane en lambeaux qui célèbre le sacrifice eucharistique avec une concentration et une passion totales; oui, ici, au milieu de cette adversité qui amène les âmes désespérées à une prière intense, une participation réelle à l’extase du Seigneur crucifié et ressuscité est possible.