17 janvier 2015

[Mgr Williamson - Initiative St Marcel] Une Épitaphe Contradictoire

SOURCE - Mgr Williamson - Initiative St Marcel - 17 janvier 2015

Notre nature, par Dieu faite bonne, Adam l’a gâchée. / Par Dieu elle veut le bien, mais Adam l’a rendu difficile. 
Sous le ciel immense et étoilé
Creuse la tombe et laisse-moi reposer.
Heureux j’ai vécu et heureux je meurs,
Et volontiers je m’allonge ici. 
Voici le verset que tu graveras pour moi :
Ici il repose où il désirait être.
Le marin est chez lui, de retour de la mer
Et le chasseur de retour de la colline 
—R.L.Stevenson (1850–1894)
Cette épitaphe écrite pour le poète lui-même est éloquente par sa simplicité, et touchante, parce qu’elle a trait à la mort, cette inévitable tragédie de la vie humaine. En commémorant la vie et l’amour, souvent les poètes en viennent à la mort, laquelle d’une façon si mystérieuse met fin aux deux. Par contre, ne souhaitant pas se demander ce que signifie la vie ou la mort, les pauvres matérialistes mettent fin à la poésie et ils la présenteront en prose s’ils le peuvent, précisément pour ne pas avoir à penser à quelque chose qui dépasse la matière. Mais le mystère demeure . . . 

En théorie l’épitaphe de Stevenson est courageuse. Dans les trois derniers vers de chaque strophe, en six vers sur huit, il affirme de six manières différentes qu’il est heureux de mourir. Mais le poème est lourd de contradiction. S’il fut « heureux de vivre », comment peut-il être heureux de mourir ? S’il était si heureux de mourir, comment peut-il avoir été heureux de vivre ? Pour être aussi heureux de mourir qu’il le prétend, il doit avoir perdu son désir de vivre, ou l’avoir éteint, ce qu’il ne pourrait avoir fait qu’en refusant à sa vie une quelconque destinée, ou signification, ou survie au-delà de sa mort animale, et cela, il ne pouvait le faire qu’en prétendant n’être rien de plus qu’un animal. Mais quel animal se donne la peine d’écrire d’éloquents et touchants poèmes ?

Oh, Robert Louis, vous saviez que vous n’étiez pas qu’un animal. Vous vous êtes donné la peine d’écrire de nombreux travaux littéraires, y compris un conte fascinant de vie et d’aventure pour enfants, L’Île au trésor, ainsi qu’un conte poignant de corruption et de mort pour adultes, L’étrange cas du docteur Jekyll et de M. Hyde, et l’ensemble de vos travaux font de vous actuellement le 26ème auteur le plus traduit au monde. Il est vrai que vos parents étaient Écossais Presbytériens, secte Calviniste assez rigoriste au cours du 19ème siècle pour transformer plus d’un brave homme en athée. Mais comment pouviez-vous vous avilir à ce point-là face à la mort ? Comment pouviez-vous prétendre que dans la mort vous étiez « de retour » chez vous ?

Le Créateur n’a pas originellement destiné à la mort animale cet animal rationnel qu’est l’homme. Si tous les hommes depuis Adam et Eve avaient fait un usage correct de leur rationalité, ou raison, pendant l a durée impartie à leur vie terrestre, alors au lieu de leur mort animale maintenant inéluctable, ils auraient glissé sans douleur dans la vie éternelle que le bon usage de leur raison leur aurait méritée. Mais ce projet originel fut frustré lorsqu’Adam a désobéi à son Créateur, et par la mystérieuse solidarité de toute la future humanité avec son premier père, il a entraîné tous les hommes dans le péché originel. Depuis lors, la contradiction est intrinsèque à toute nature et vie humaine, puisque nous avons une nature créée par Dieu qui se trouve en guerre avec cette nature déchue que nous avons héritée d’Adam. Nos vrais – et non pas faux – « désirs d’immortalité » viennent de notre nature telle qu’elle a été faite par Dieu et pour Dieu, tandis que notre mort animale est un « retour » chez nous seulement pour notre nature en tant que déchue. « Malheureux homme que je suis », s’écrie Saint Paul, (Rom. VII,24–25), « qui me délivrera de ce corps mortel ? La grâce de Dieu, par Jésus-Christ Notre Seigneur ».

Kyrie eleison.