12 novembre 2014

[Abbé S. Gabard, fsspx - La Voix des Clochers] Ne séparons pas ce que Dieu a uni

SOURCE - Abbé S. Gabard, fsspx - La Voix des Clochers - novembre 2014

C’est avec crainte et tremblement que j’ai reçu de mes Supérieurs, le 15 août dernier, la responsabilité de vos âmes. Malgré ma jeunesse, j’ai le devoir enthousiasmant, mais délicat, de vous unir autour de l’Autel du Seigneur pour vous lier avec les douces chaînes de la Charité qui vous ouvrira les portes du Bonheur éternel. L’œuvre essentielle de notre Salut ne peut être qu’individuelle, et encore moins égoïste, parce que nous sommes des êtres naturellement sociaux qui doivent se perfectionner au sein d’une communauté, d’où la nécessité d’une paroisse. Il me revient donc d’organiser la vie communautaire du prieuré Sainte-Jeanne-d’Arc, et donc des lieux de culte qui en dépendent, pour que chacun d’entre vous trouve toujours plus sa place dans cette famille paroissiale nécessaire à votre Salut éternel. Je remercie le Bon Dieu de m’avoir donné, pour cette œuvre de premier ordre, le soutien de deux confrères dont vous connaissez l’âme apostolique, les abbés Gendron et Bon. Que votre investissement dans cette vie de famille spirituelle soit toujours plus joyeux ! Des fidèles unis derrière leurs prêtres qui peuvent seuls les conduire au Ciel : voilà une paroisse.
Synode sur la famille
Le souci de guider vos âmes sur la voie des commandements divins, m’oblige à vous mettre en garde contre les idées pernicieuses qui circulent en ce moment, dans la société comme dans les rangs de la Curie romaine. Nous respirons inévitablement l’air qui nous environne et nous devons veiller à ne pas contracter de cancer spirituel.
En septembre 2014, le philosophe catholique Thibaud Collin était interviewé afin d’expliquer la démarche de son livre Divorcés remariés. Plein de confiance dans le Synode qui allait s’ouvrir, il assurait que « l’Eglise n’est pas là pour présenter aux hommes d’aujourd’hui les valeurs des hommes d’aujourd’hui ! Elle est là pour annoncer la Bonne Nouvelle du mariage dans toute sa radicalité. » Il ajoutait sa conviction de voir le Pape François n’amoindrir en rien la doctrine et la discipline de l’Eglise sur le mariage, persuadé qu’il susciterait un  «véritable élan de ré-explication de la grandeur, de la beauté  » du mariage chrétien.  « N’oublions pas qu’il a dit lui-même qu’il est rusé », terminait-il en disant:  « Je crois que le Pape en surprendra plus d’un sur ce sujet!»
Au cours du Synode, les catholiques sont en effet surpris par le Rapport présenté par le Cardinal Erdö, dans lequel il fait état des propositions de certains cardinaux sur la pastorale envers les divorcés « remariés ». Ces propos n’ont aucune valeur disciplinaire pour l’instant, mais soulignent de manière inquiétante, l’état d’esprit de plusieurs Princes de l’Eglise quant à la doctrine sacramentelle : une indifférence criante pour les paroles claires et normatives du divin Législateur, Jésus-Christ ; une amitié déplacée pour toutes les situations matrimoniales irrégulières. Face à ce Rapport inacceptable sur un sujet aussi crucial de morale chrétienne, le Souverain Pontife ne fit que revenir, en fin de Synode,  sur trois paragraphes du rapport final, concernant la communion des divorcés remariés et l’accueil des personnes homosexuelles, signifiant que ces éléments sont rejetés… mais qu’il faut les maintenir dans le texte du rapport ! Il y a de quoi être surpris!
N’est-il pas affligeant de lire sous la plume d’un Prince de l’Eglise que Notre-Seigneur, tout en affirmant l’indissolubilité du mariage, a eu la délicatesse de comprendre l’ordonnance selon laquelle Moïse permettait de répudier les femmes ? Qu’en est-il en vérité ? « L’homme quittera son père et sa mère, et s’attachera à sa femme. Ainsi ils ne sont plus deux mais une seule chair. Que l’homme ne sépare donc pas ce que Dieu a uni.  » Et Jésus continue :  « C’est à cause de la dureté de vos cœurs que Moïse vous a permis de répudier vos femmes (…). Mais je vous le dis, celui qui renvoie sa femme et en épouse une autre, commet un adultère ; et celui qui épouse une femme renvoyée se rend adultère.  » (Mt 19, 5-8) C’est la deuxième fois que Notre-Seigneur traite de la gravité de ces situations irrégulières dans l’évangile de saint Matthieu, et les Apôtres ne semblent pas prendre ces paroles à la légère, comme certains cardinaux du XXI° siècle, car ils s’écrient : « Si telle est la condition de l’homme à l’égard de la  femme, il vaut mieux ne pas se marier. » (Mt 19, 10) Pourtant ce Synode scandaleux a cherché à attribuer au Maître un principe pastoral de «  gradualité  » pour les conjoints infidèles au contrat de leur mariage. Selon le Cardinal Erdö il conviendrait d’apprécier  « plus les valeurs positives qu’ils conservent, que leurs limites et leurs manquements. »
Et l’Amour de Dieu ?
Il est évident que certaines situations sont délicates et supposent la bonté attentive du prêtre, pour écouter et aider ces personnes en situation peccamineuse. Notre-Seigneur en montrait l’exemple par la douceur qu’il déployait afin d’amener les pécheurs à la conversion. Cependant allons nous panser les plaies «en appréciant plus les valeurs positives » de la maladie, sans porter rapidement remède aux « limites et manquements  » qui causent le mal  ? Un cœur sacerdotal peut-il s’attacher à « comprendre la réalité positive des mariages civils et des concubinages  » pour indiquer aux malheureux «  les éléments constructifs de ces situations », sans proposer la médication la plus efficace pour arracher les âmes à l’adultère ? Est-ce vouloir le bien des âmes et donc aimer Dieu, que de minimiser le péché mortel, laissant espérer aux catholiques infidèles qu’ils pourront peut-être un jour ajouter à l’adultère, le péché de sacrilège en recevant l’Hostie immaculée dans cet état ? (III qu.80, a.4)
La messe de Paul VI
Il n’est pas étonnant, malheureusement, de voir aujourd’hui des prêtres minimiser la sainteté des sacrements – dont l’efficacité est tirée du Sacrifice de la Croix. Ils n’ont plus l’accès facile à la méditation vivante de la Rédemption que nous offre l’assistance à la «Messe de toujours» selon son rite traditionnel. Celle-ci nous replace au pied du Calvaire et rend palpable la Présence réelle du divin Crucifié. Mais elle a été remplacée avec autorité, en 1969, par une synaxe sacrée qui rassemble le peuple de Dieu autour du prêtre pour célébrer le mémorial du Seigneur (d’après l’Institutio generalis n° 7 du NOM). Ce nouveau rite que nous devons au Pape Paul VI fait silence sur la réalité du Sacrifice propitiatoire de la Croix pour réparer l’horreur du péché et laisse comme de côté, la Présence réelle au profit de la présence spirituelle du Christ dans l’Ecriture. Comment enseigner l’exigence de la vie chrétienne, si la juste compréhension de la Croix est rendue presque inaccessible par cette nouvelle messe ? Ce n’est pas pour rire que Notre Seigneur nous a aimés au Calvaire. Coupée de la radicalité de cet Amour, la vie religieuse se meurt.  Le Pape Paul VI a favorisé la rupture du lien de beaucoup d’âmes avec le socle du christianisme - la Croix - en imposant ce nouveau rite de  la messe. Nous ne pouvons que constater  la perte massive de la pratique religieuse et des vocations, avec le refus de plus en plus criant de l’exigence de la Charité. C’est une des raisons pour lesquelles nous ne pouvons concevoir que le Pape Paul VI puisse un jour être présenté aux catholiques comme héros du catholicisme. Jamais ce « bienheureux » ne sera de notre paroisse.
Tous à la « Messe de toujours »
La Charité nous apprend à recevoir les commandements de Dieu d’un cœur simple et dévoué pour en comprendre la sagesse et les mettre en pratique, sans chercher à les transformer. Plus cette vertu se refroidit sur la Terre, plus nous avons le devoir de nous examiner sur notre correspondance au commandement essentiel de l’Amour de Dieu et du prochain, les deux ne faisant qu’un. Là aussi, ne séparons pas ce que Dieu a uni. Plus rien ne nous y porte aujourd’hui. Il est donc urgent que vous vous organisiez pour venir, en semaine, puiser à l’Autel du Sacrifice les flots de la Charité sur laquelle le Sauveur nous jugera en priorité. Le monde desséchant au milieu duquel nous vivons, nous impose ce nouvel effort que le Bon Dieu bénira au centuple.