1 avril 2014

[Paix Liturgique] Messe d'un évêque auxiliaire du pape à la Trinité-des-Pèlerins: "Le véritable ennemi est la division du Corps mystique du Christ"

SOURCE - Paix Liturgique - Lettre 433 - 1er avril 2014

«Lætátus sum in his, quæ dicta sunt mihi : in domum Dómini íbimus». [Je me réjouis de ce qui m’a été dit : nous irons dans la maison du Seigneur.]
La joie qu’exprime l’Introït de la messe du quatrième dimanche de Carême, dit aussi «dimanche deLætare», résume parfaitement l’état d’âme des fidèles et des prêtres qui ont assisté, ce dimanche 30 mars 2014, à un geste en quelque sorte réparateur à l'occasion de la messe de 11 heures en l’église de la Trinité-des-Pèlerins de Rome. En effet, pour la première fois depuis le Motu Proprio Summorum Pontificum, un évêque de Rome – en l’occurrence Mgr Matteo Zuppi, évêque auxiliaire du centre historique – a célébré la messe traditionnelle. Un de nos correspondants était présent.
I – UN MOMENT HISTORIQUE PARCE QUE NORMAL
La Trinité-des-Pèlerins est une église fondée dans les dernières années de la vie de saint Philippe Néri par la Confraternité qu’il avait créée à la veille du Jubilé de 1550 pour loger et soigner les pèlerins arrivant dans la Ville éternelle. Elle est depuis 2008 le siège d’une paroisse personnelle pour les fidèles attachés à la forme extraordinaire du rite romain – la liturgie traditionnelle – dont la cure est confiée à la Fraternité Sacerdotale Saint-Pierre (FSSP). Point d’ancrage du pèlerinage international du peuple Summorum Pontificum, elle reçoit régulièrement des prélats du monde entier pour des messes pontificales solennelles.

Rien d’exceptionnel donc à ce qu’un évêque vienne y célébrer la messe du quatrième dimanche de Carême. Rien, sauf que l’évêque en question est l’évêque auxiliaire du diocèse en charge du centre historique de Rome, le secteur où se dresse la Trinité-des-Pèlerins. Comme l’a souligné dans son mot d’accueil l’abbé Kramer, curé de la paroisse, c’est en effet « la première fois depuis les réformes liturgiques des années 60 » qu’un évêque en activité, du diocèse de Rome – dont l’évêque est le Saint-Père en personne –, célèbre la messe selon le missel traditionnel pour une des paroisses de la ville. Soulignant l’importance de « ce jour historique » qui manifeste « l’union juridique et affective qui lie notre paroisse au diocèse », l’abbé Kramer a remercié Mgr Matteo Zuppi de sa venue qui prouve combien « la forme extraordinaire du rite romain est en voie de faire partie de la vie normale de l’Église », dans les conditions prévues par le Motu Proprio Summorum Pontificum de Benoît XVI.

Au cours de son homélie, Mgr Matteo Zuppi a tout d’abord invité l’assemblée à faire « le choix » de la joie, ce « rayon de lumière » comme l’appelle le pape François dans Evangelii Gaudium. Ensuite, il a tenu à exprimer sa « communion profonde avec cette paroisse et le service qu’elle rend à l’Église et à toute la ville », expliquant que « nul n’est isolé » et que « nous sommes tous appelés au service de la communion ». Car, a-t-il poursuivi, « le véritable ennemi est la division du Corps mystique du Christ ». Mgr Matteo Zuppi a alors commenté l’Évangile du jour – la multiplication des pains –, insistant sur le rapport du Christ à la foule qu’Il ne fuit pas mais au cœur de laquelle Il choisit d’agir. Il a mis en garde contre la tentation de s’isoler de la foule, la condamnant sans même essayer de la changer, privilégiant en fin de compte son propre bien-être à celui de tous, et devenant ainsi ce qu’il a appelé des « hommes-îles ». Le Christ, au contraire, va au-devant de la foule et « accepte le défi » de la rassasier, lui offrant ce que Mgr Zuppi, assistant ecclésiastique de la communauté Sant’Egidio (sorte de Fondation Abbé Pierre italienne qui cohabite à la Trinité-des-Pèlerins avec la communauté Summorum Pontificum), a appelé « le pain de la solidarité ».

À l’issue de la cérémonie, joie et foule ont accompagné le prélat qui a pris le temps de saluer individuellement les fidèles autour d’un café. Mgr Matteo Zuppi en a profité pour confirmer son intention de se rendre pour la Pentecôte auprès d’une des autres communautés traditionnelles de Rome, en l’occurrence celle desservie par l’Institut du Christ-Roi Souverain Prêtre (ICRSP) en l’église de Jésus-et-Marie, via del Corso.
II – LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE
1) « Merci d’être venu ! » : ce cri d’un fidèle résume bien la joie des membres de la paroisse de la Trinité-des-Pèlerins et leur gratitude envers leur évêque. Comme son homélie en témoigne, Mgr Matteo Zuppi, consacré évêque en avril 2012, a un souci véritable de la communion diocésaine et a visiblement à cœur de ne laisser de côté aucune des communautés de son secteur. Il participe d’ailleurs en ce moment, quasiment tous les jours, aux processions qui relient les églises des stations de Carême, et sa visite à la Trinité-des-Pèlerins s’inscrit en fait tout simplement dans la tournée des paroisses de son secteur. Comme l’a relevé l’abbé Kramer, c’est le caractère ordinaire de la venue de Mgr Matteo Zuppi qui en a fait un jour historique. Parce que cela signifie tout simplement que le vicariat de Rome, en la personne de Mgr Matteo Zuppi, considère comme tout à fait normal de célébrer la forme extraordinaire.

2) Il est significatif que ce « jour historique », comme l’a appelé l’abbé Kramer, ait eu lieu sous le pontificat du pape François. La réalité politique de l’Église est complexe : si l'une des grâces du pontificat précédent restera à jamais le Motu Proprio Summorum Pontificum, son bilan demeure finalement très timide en matière de restauration alors que cela semblait être un axe majeur de son « programme » ; le pontificat actuel, pour sa part, qui ne se dit en rien « restaurateur », montre cependant qu’« il n’a pas de problème » avec la tradition liturgique de l’Église et ses fidèles...

C’est d'ailleurs ce qu’écrivait récemment Alberto Carosa, correspondant à Rome de Catholic World Report, s’arrêtant sur cinq gestes prouvant, selon lui, la continuité entre François et Benoît, et montrant en tout cas qu’il « n’y a pas de problème » avec cette partie-là de l’héritage de Benoît XVI : l’appel de Mgr Bassetti, archevêque de Pérouse et ami de la forme extraordinaire, au cardinalat ; la déclaration du Pape aux évêques des Pouilles (voir notre lettre 415) ; le message adressé à la FSSP pour son 25ème anniversaire ; celui adressé aux pèlerins du peuple Summorum Pontificum ; et la déclaration faite au cardinal Castrillón par le Pape en novembre 2013. À ces gestes, il convient d’ajouter toute une série de nominations épiscopales prouvant que la célébration de la forme extraordinaire n’est pas un handicap dans le curriculum d’un évêque, la dernière en date étant celle de Mgr Robert Byrne, ancien prévôt de l’Oratoire d’Oxford où il avait réintroduit la messe traditionnelle dès 2004. Merci, Très Saint-Père !

3) Le plus important, quand on connaît les finesses de la diplomatie romaine, nous paraît être ceci : à Rome, certains voient dans la venue de Mgr Matteo Zuppi à la Trinité-des-Pèlerins un geste réparateur envers les communautés Summorum Pontificum de Rome et d'Italie après la suppression de la messe du premier samedi du mois à Sainte-Marie-Majeure et, surtout, la triste attaque contre les Franciscains de l’Immaculée dont trente des trente-trois messes italiennes ont été supprimées dans des conditions incompréhensibles. Ce n’est qu'une hypothèse mais, si elle était vérifiée, elle prouverait que l’épiscopat de Rome est à l’écoute de toutes ses ouailles…
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(*) Le Pape a deux vicaires pour l’épauler dans sa charge d'Évêque de Rome, l’un pour la Cité du Vatican (le cardinal Comastri), l’autre pour la ville de Rome (le cardinal Vallini).