18 février 2014

[Marie Piloquet - Présent] Fongombault : ils ont radié les moines !

SOURCE - Marie Piloquet - Présent - 18 février 2014

Voilà qui a dû plaire au collectif des Indignés partis en guerre contre le maire, dans la petite commune de Fongombault. Le tribunal d’instance de Châteauroux a ordonné, vendredi, la radiation de la liste des électeurs de Fontgombault de dix moines de l’abbaye de ce village de l’Indre, à la demande de « partisans de la laïcité » qui ont fait valoir que ces moines n’y résidaient plus. Le tribunal a estimé que les dix religieux demeurent désormais à l’abbaye Saint-Paul de Wisques dans le Pas-de-Calais et ne peuvent donc voter pour élire le prochain conseil municipal du village.

Notez que Me Navion, avocat de la partie demanderesse, n’a pour cela produit que des publications, pêchées par exemple sur le site internet de l’abbaye de Wisques, relatant « l’installation définitive » de ces moines bénédictins. Ou encore le simple témoignage de la mairie, faisant état de leur arrivée en octobre 2013.

Me Cyrille Dutheil de la Rochère, représentant les dix moines mis en cause avait, lui, fait valoir que les religieux étaient « en mission pour une durée indéterminée », qu’ils ne sauraient s’ils resteraient qu’en octobre 2014. La décision du tribunal lui apparaît « contraire à la jurisprudence dans ce domaine » : « il a balayé les preuves que nous avons apportées de la domiciliation des moines à Fontgombault ».
Éliminer le camp adverse
Contraire à la jurisprudence, mais pas au calcul politique. C’est Me Michel Navion qui rappelle l’« arithmétique particulière » qui règne à Fongombault : la commune compte près de 70 moines sur 258 électeurs inscrits, et deux religieux siègent au conseil municipal depuis quarante ans, témoins du rôle historique de l’abbaye. « Les moines ont été les premiers ici », rappelle l’épicier du village…

Mais la tradition ne doit pas survivre à la laïcité. Et ces électeurs particuliers soutiennent a priori le maire sortant, Jacques Tissier, premier magistrat depuis 1977 et réélu depuis dès le premier tour, qui a osé rappeler « une loi naturelle, supérieure aux lois humaines » à l’occasion de l’institution du « mariage » gay, et entériné son opposition lors d’une délibération du conseil municipal en octobre dernier – une requête pour annulation est d’ailleurs toujours en cours. Le collectif des Indignés entend bien récupérer la main, grâce à ce « faux pas » politique.

« On doit laisser ses convictions à la porte lorsqu’on est élu ! » clament-ils. Dans les faits, on doit surtout, à présent, les laisser à la porte pour être électeur. A-t-on jamais eu pareil pointillisme pour le lieu de résidence en termes électoraux ? Combien d’années ai-je voté dans ma commune de naissance alors que je n’y résidais plus ? Combien s’inscrivent dans la petite campagne de leur maison de vacances ? Et surtout combien, parachutés, se font élire dans une commune où ils n’ont jamais posé un pied ! Et ils voudraient qu’on prenne ça pour de la rigueur judiciaire…

Cette décision va à l’encontre des catholiques. Comme l’a justement remarqué Christine Boutin, « les dix moines de Fontgombault n’ont plus le temps de s’inscrire sur d’autres listes ». Ils sont purement empêchés de voter.
« Dieu démission »
Fait remarquable, Me Navion en a profité pour s’interroger « s’agissant de communautés religieuses, sectes et groupements divers », sur le « crédit (à) accorder aux certificats de présence délivrés, de bonne foi ou non, par un supérieur, gourou ou autre autorité, en vue d’inscrire sur les listes électorales les membres de sa communauté ». Il faut, selon lui, que Manuel Valls s’inquiète de ces communautés religieuses – qui sont pour la plupart, bien évidemment, catholiques… Comme s’en est inquiétée la III République, peu avant les expulsions.

On repense à l’immonde une de Libération, qui titrait, jeudi, en lettres énormes : « Dieu démission ». « Ses troupes et ses prêtres ne cessent de diminuer. Pourtant l’Eglise catholique, comme l’islam, cherche de plus en plus à peser sur le débat public et à imposer des idées réactionnaires. »

A l’heure où le « mariage » gay a bouleversé les aspirations électorales, les votes de tradition ou d’habitude, à l’heure où les partis du pouvoir s’inquiètent de savoir où cette nouvelle force qui monte va pencher, ou plutôt comment la circonvenir sans en être lésés, cette radiation des moines est un symbole du procès qui va lui être intenté. La justice a été instrumentalisée « dans un but politique ». Ce n’est que le début d’une guerre où tous les coups seront permis.

Les moines ont dix jours pour se pourvoir en cassation.

MARIE PILOQUET