27 décembre 2013

[Abbé Bouchacourt, fsspx - District d'Amérique du Sud] De l'autorité...

SOURCE - Abbé Bouchacourt, fsspx - District d'Amérique du Sud - décembre 2013
Un vieux dicton chinois dit que « le poisson pourrit par la tête », soulignant ainsi que si la tête est atteinte d’une maladie mortelle le corps tout entier se trouve en péril. Cette observation pleine de bon sens a surtout un sens allégorique signifiant que la santé du corps social dépend de la santé morale, intellectuelle et spirituelle de ses chefs. L’état de décomposition avancée de la société civile est dû en grande partie à l’incurie, à la corruption de ses dirigeants qui ne servent pas le bien commun mais se servent eux-mêmes. La Sainte Ecriture l’exprime avec clarté : « Le sage gouvernant tient son peuple dans la discipline et l’autorité d’un homme bien établie. Tel le gouvernant et tels ses subordonnés, tel celui qui régit la ville et tels les habitants. Un roi sans instruction est la ruine de son peuple, une ville doit sa prospérité à l’intelligence de ses chefs ».(1) Ces dirigeants qui nous gouvernent et qui ne savent se gouverner eux-mêmes, sont grandement responsables de la ruine de la société. Le grand Bossuet le résume de manière concise par ses mots : « où il n’y a pas de maître, tout le monde est maître et où tout le monde est maître, tout le monde est esclave ».(2) Le prophète Isaïe semble avoir prononcé ces paroles pour notre époque : « O mon peuple, un gamin l’opprime et des femmes le dominent. O mon peuple, tes dirigeants t’égarent ».(3)

L’autorité vient de Dieu. Le Christ le rappelle fermement à Pilate lorsque ce dernier lui déclare détenir le pouvoir de le libérer : « Tu n’aurais sur moi aucun pouvoir s’il ne t’avait été donné d’en-haut ».(4) Celui qui est investi de l’autorité, participe à celle de Dieu et doit refléter sa sainteté. On comprend alors que le gouvernant ne s’appartient pas, mais qu’il appartient au peuple qui lui a été confié. Lors du panégyrique de Saint Louis, roi de France qu’il prononça, le Cardenal Pie affirma justement : « Pour le roi chrétien, gouverner c’est servir ; régner, c’est répandre des bienfaits. Il donne, il donne toujours, ne songe point à lui-même. C’est par cette bonté, c’est par cette libéralité qu’il est sur la terre l’image vivante du Père Céleste ».(5)

Si l’autorité trouve son origine en Dieu, comment peut-on faire coïncider cette affirmation avec l’élection démocratique qui s’est imposée dans la majorité des pays laissant à penser que le pouvoir réside dans le peuple qui le délègue au dirigeant ?Léon XIII répond de manière très claire à cette objection :

« Ceux qui président au gouvernement de la chose publique peuvent, en certains cas, être élus par la volonté et le jugement de la multitude, sans répugnance ni opposition à la doctrine catholique. Mais si le choix désigne la personne du souverain, il ne lui confère pas l’autorité de gouverner, il ne délègue pas le pouvoir, il désigne la personne qui en sera investie ».(6) C’est Dieu qui donnera cette investiture.

Le chef est ordonné au bien commun qu’il servira d’autant mieux que sa vie personnelle est exemplaire. Gouverner c’est aimer, ce n’est pas flatter. Cet amour envers ses subordonnés, l’autorité le manifestera en encourageant les bons, en défendant la vérité et le bien mais aussi en condamnant les méchants, en luttant contre l’erreur qui tue l’intelligence et le mal corrupteur des volontés. Ainsi l’ordre et la paix règneront, sinon le chaos s’installera comme nous le voyons s’étendre aujourd’hui. Le RP Colin, religieux rédemptoriste, écrivait de façon fort pertinente que « lorsque Dieu veut punir un peuple, le pire des châtiments est de mettre à sa tête un chef incapable ou indigne ».(7) Combien nous en souffrons aujourd’hui !

Si l’autorité civile est ordonnée au bien commun, la hiérarchie de l’Eglise catholique est, quant à elle, au service de la foi. Son rôle est de la conserver, de l’expliciter, de la protéger de l’erreur et de la transmettre jusqu’à la fin des temps. Avec l’aide du Saint-Esprit ce saint dépôt de la foi est parvenu intègre jusqu’à nous. Personne, pas même le Pape, ne peut en modifier le contenu parce qu’il trouve sa source en Dieu immuable. Tous les membres de l’Eglise ont l’obligation d’y adhérer et par conséquent de refuser ce qui est en contradiction ou en rupture avec ce que l’Eglise enseigne depuis 2000 ans. C’est ainsi que se justifient notre résistance et notre apparente désobéissance aux autorités ecclésiastiques depuis le dernier concile et leur donne toute leur légitimité. Notre fermeté ne réside pas en nous même, mais en Jésus-Christ, Verbe Incarné, et en deux millénaires de Tradition nourrie par l’enseignement des Pères de l’Eglise, celui des papes et les écrits des saints. Notre fidélité est tout sauf une résistance orgueilleuse, elle est une humble soumission à un enseignement qui a donné tant de fruits tout au long de l’histoire de l’Eglise. Le jour où nous comparaîtrons devant le Divin Juge, à l’heure de notre mort, il nous sera demandé des comptes sur notre fidélité à la foi reçue.

Cette autorité, chers parents, vous en êtes aussi les détenteurs depuis le jour où vous vous êtes unis devant Dieu. Surtout vous, les chefs de famille qui êtes la tête de votre foyer. A travers votre autorité paternelle doit transparaitre celle de Dieu lui-même. De la qualité de celle-ci dépendra la paix, l’unité et la sainteté de votre famille. Si je me permets de m’adresser spécialement à vous, chers pères de famille, c’est que l’autorité que Dieu vous a confiée est gravement remise en cause aujourd’hui pour différents motifs : en raison de la négation de la complémentarité de l’homme et de la femme voulue par Dieu, en raison de l’égalitarisme que l’on veut imposer partout mais aussi en raison de l’ignorance du rôle que le père doit tenir dans sa famille. Le pape Pie XII voyait déjà ce péril et rappelait les pères de famille à leurs devoirs par ces mots : « Maris, vous avez été investis de l'autorité. Dans votre foyer, chacun de vous est le chef, avec toutes les obligations et les responsabilités que ce titre comporte. N’hésitez donc pas à exercer cette autorité ; ne vous soustrayez pas à ces devoirs, ne fuyez pas ces responsabilités. Que l'indolence, la négligence, l'égoïsme et les passe-temps ne vous fassent pas abandonner le gouvernail du navire familial confié à vos mains ».(8)

L’autorité que vous avez envers votre épouse, est une autorité d’amour, pleine de délicatesse et de respect. Soyez pour elle un soutien, une consolation et une protection. De votre sainteté personnelle dépend l’acceptation de cette autorité. Sans cette sainteté, l’autorité du mari est un joug qui peut devenir insupportable car elle prend alors sa racine dans l’orgueil, l’égoïsme ou la sensualité.

Par rapport à vos enfants, votre autorité est essentielle et irremplaçable. Elle consiste à les aider à réaliser non point le plan que vous avez sur eux mais celui que Dieu projette sur chacun. Tout particulièrement au moment de l’adolescence de vos enfants, votre épouse a besoin de votre présence et de votre autorité. De votre attitude pourra dépendre le futur de ces enfants que Dieu vous a confiés. Rappelez-vous que vous n’êtes pas l’ami de vos enfants, mais leur père. Votre rôle est de les guider, de les aider à prendre la bonne décision et parfois même de la prendre à leur place. Cela peut être douloureux, mais plus tard votre enfant vous en sera reconnaissant.

Ne fuyez pas vos adolescents, ne vous dérobez pas à eux mais donnez-leurs de votre temps, usez de votre autorité paternelle envers eux. Beaucoup de pères, « s’enferment » devant leur ordinateur ou leur travail pour éviter une réalité difficile dans leur famille ou au contraire, sous prétexte d’activités extérieures, oublient que leurs grands enfants aimeraient parler avec eux. Dans les deux cas il s’agit d’une fuite. L’adolescent, même s’il fait mine du contraire, a besoin de la présence de son père, de ses conseils, de ses encouragements et aussi de ses griefs pour canaliser les passions impétueuses de cette période de sa vie. Votre autorité paternelle est alors déterminante. Elle nécessite patience et force, beaucoup de sagesse et de lumières. Avec le soutien de votre épouse, la grâce du sacrement de mariage vous sera d’un grand secours.

Rappelez-vous qu’un père exemplaire est admiré par ses enfants et fait la fierté de son épouse. La Sainte Ecriture ne dit-elle pas que « la gloire des enfants, c’est leur père » ? (9) Cependant, un père qui fuit ses responsabilités est bien souvent méprisé et son autorité remise en cause. Il ne reste alors plus que des rapports de force qui ruinent la confiance, la paix et l’unité du foyer.

Cette autorité, vous l’exercerez aussi en présidant la prière en famille, en montrant l’exemple dans la pratique religieuse par la communion et la confession régulière, en veillant sur les fréquentations de vos enfants, sur leurs sorties, sur l’usage qu’ils font des réseaux sociaux (internet, Facebook, Twitter etc…) sur leur manière de se tenir et de se vêtir. N’oubliez jamais qu’ils ont les séquelles du péché originel qui rend le bien ardu à pratiquer. Vous les guiderez au moment du choix de l’état de vie qu’ils devront suivre lorsque le moment se présentera. Par-dessus tout inculquez-leur le sens du sacrifice et du service. De tout cela vous aurez à rendre compte devant Dieu. Ne multipliez pas les sorties hors du foyer ou les activités mondaines ou pseudo-intellectuelles en fin de semaine. Elles agacent bien souvent vos enfants et ruinent l’esprit de famille. Que de fois de jeunes adolescents se plaignent auprès de nous, prêtres, que leur père est toujours trop occupé et qu’ils ne peuvent jamais parler avec lui. Pères ne fuyez pas, soyez a votre poste, celui que vous avez promis de tenir devant Dieu le jour de votre mariage.

Supplions Dieu d’envoyer de bons chefs catholiques, non seulement pour gouverner notre patrie mais aussi de bons Supérieurs pour guider la sainte Eglise sans aucune compromission avec le monde. L’espérance ne peut nous quitter parce qu’ « aux mains de Dieu est le gouvernement du monde ; il suscite au bon moment le chef qui convient ».(10) Dire que tout est perdu, que la situation est désespérée, est un grave manque de foi et d’espérance qui conduit à l’abandon du bon combat de la foi.

Chefs de famille, soyez à la hauteur de l’Espérance que Dieu, l’Eglise et la société placent en vous. Si vous êtes fidèles à votre mission, c’est au sein de vos familles que se lèveront une élite catholique, une nouvelle génération de saints et les vocations que tous attendent. Cette mission est exigeante mais nécessaire pour la restauration du règne du Christ-Roi dans l’Eglise et la société. Joyeuse et sainte fête de Noël à tous et bonne et sainte année 2014 !

Que Dieu vous bénisse !
Padre Christian Bouchacourt Superior de Distrito América del Sur
-----NOTAS:
1. Ecclésiastique X, 1-3.
2. Bossuet, Politique sacrée, livre 1er, article 3.3. Isaïe, III, 12.
4. Evangile selon Saint Jean XIX, 11.
5. Cardinal Pie, Panégyrique de saint Louis, le 27 Août 1851.
6. Leon XIII, encyclique Diuturnum illud, 29 juin 1881.
7. RP L. Colin, le livre des Supérieurs, Chap II.8. Pie XII, Allocution aux nouveaux époux, 10 septembre 1941.
9. Livre des Proverbes XVII, 6.
10. Ecclesiastique X, 4.