15 février 2013

[Abbe le Roux, fsspx - Lettre Seminaire St Thomas d'Aquin] La tomate et son tuteur

SOURCE - Abbe le Roux, fsspx - Lettre Seminaire St Thomas d'Aquin - février 2013

Chers amis et bienfaiteurs,

Un plant de tomate ne peut donner de fruits s'il n'est soutenu par un tuteur : sans lui, il risque de pourrir en terre et de perdre ses fruits. Nous ressemblons étrangement à un plant de tomate…

Comme lui, nous devons prendre appui sur un tuteur. À défaut, nous prenons le risque de nous recroqueviller sur nous-mêmes, de nous dessécher et de pourrir sans donner aucun fruit. En effet, depuis le péché originel, nous manifestons une fâcheuse tendance à nous incliner vers les choses basses et à nous y complaire, plutôt qu'à nous élever et à nous montrer fidèles à notre vocation d'hommes libres, celle de serviteurs éclairés et zélés de la vérité connue et aimée.

Le choix d'un tuteur adéquat est donc primordial et requiert toute notre attention.

Nous ne pouvons le choisir artificiel, nous sombrerions alors dans une illusion mortelle. La vie n'est pas une réalité artificielle et les combats que nous avons à mener sont bien réels. Ce tuteur ne saurait être trop rude : il briserait notre nature fragile. Il ne peut être trop mou non plus : le poids de nos passions l’anéantirait. Mais pour autant, s'il n'est pas suffisamment flexible, il ne sera pas adapté et nous l'abandonnerons rapidement.

En un mot ce tuteur doit épouser notre nature humaine dans toute sa diversité et sa complexité afin qu'elle puisse trouver en lui un appui réel qui lui permettre de respecter et d'accomplir notre vocation d'homme, celle d’un être à la fois spirituel et corporel. Le respect de notre condition d'homme est le critère déterminant qui préside au choix de notre tuteur. C'est précisément parce que nous sommes hommes, "roseau pensant" pour reprendre la forte expression de Blaise Pascal, que ce tuteur nous est si nécessaire.

Lorsque nous refusons cette condition, lorsque nous perdons de vue la noblesse de notre vocation, mais aussi lorsque nous manquons de vigilance en oubliant la fragilité de notre nature et la puissance des ennemis qui l'encerclent de toutes parts, alors nous tombons et nous ne marchons plus sur la ligne de crête entre ces deux précipices qui nous entourent : le désir d'agir comme un ange ou celui de nous complaire dans nos désirs charnels. Ces deux désirs nous mènent à notre perte.

Nous sommes tout simplement des hommes, des êtres fragiles appelés à une destinée éternelle et divine. Face à ce mystère de notre condition de pauvre et à celui de l'amour divin qui nous appelle à l'intimité éternelle, il faut que notre réponse soit celle de l'humilité et de la charité, de la vigilance et de la confiance.

Acceptant notre condition humaine et notre vocation éternelle, il nous faut faire attention à Dieu.

Levant la tête, il nous faut Le découvrir en nos humbles devoirs d'états quotidiens et nous élancer vers Lui en faisant sa volonté si clairement signifiée. Cette fidélité à sa volonté requiert de notre part une détermination ferme de ne pas suivre les attraits de notre nature blessée si faible face aux sollicitations chatoyantes qui l'environnent de toutes parts.

Notre détermination se concrétise dans cette volonté de nous renoncer, de savoir nous refuser un regard, un désir, une volonté, de nous faire mal en un mot. De nous faire mal, pour éviter un jour de faire du mal ou de faire le mal tout court. Il nous faut entrer en esprit de pénitence comme l'on rentre en religion, de toute son âme.

Si nous ne savons pas retrancher, couper les surgeons qui épuisent la sève, nous deviendrons exsangue spirituellement et, ayant perdu le sens de l'effort, nous perdrons le sens de notre vocation et celui du bonheur. Nous mourrons de la perte du sens de l'effort, de l'absence de l'esprit de sacrifice et nos âmes s'étioleront dans un monde où le confort règne en maître, en despote vaudrait-il mieux dire.

Esclave de la recherche de nous-mêmes, courant après toutes les satisfactions qu'offre l'existence, nos âmes se meurent. Le carême vient à point pour rentrer dans l'esprit de sacrifice qui est la substantifique moelle de l'esprit chrétien et qui nous introduit dans l'esprit même du Christ Notre Seigneur.

En mettant nos pas dans les siens, en embrassant sa croix en acceptant les nôtres, nous entrons sur le chemin du calvaire, celui de l'amour qui nous mènera au dimanche de la résurrection.

Prenons donc la résolution de faire pénitence en pratiquant notre devoir d’état : le plus fidèlement possible, et par amour. Grâce à cette humble fidélité quotidienne, sortant de nous-mêmes, nous serons sûrs alors de suivre la volonté de Dieu.

Nous aurons ainsi trouvé notre tuteur si merveilleusement adapté à notre condition d'homme et à nos propres forces, car le devoir d'état n'est que la figure concrète de l'Amour de Dieu pour nous.

Au fond, Dieu lui-même en son amour incommensurable se fait notre tuteur. Qu'attendons-nous pour produire des fruits de sainteté ?

Bon et saint carême.

In Christo sacerdote et Maria,

Abbé le Roux