21 février 2005

[Claire Chartier] Zizanie chez les intégristes

SOURCE - Claire Chartier - L'Express - 21 février 2005

La Fraternité saint Pie X, communauté emblématique des catholiques intégristes, n'a jamais si mal porté son nom. Après le clergé - deux prêtres ont été exclus cet été - c'est au tour des paroissiens de reprocher à la direction de la fraternité schismatique, fondée par feu Mgr Lefebvre en 1970, son refus du débat interne. L'heure est grave: ce groupe de laïcs "insurgés" n'a pas hésité à constituer une association, baptisée Sensus fidei - le sens de la foi. Un nom ad hoc pour ces thuriféraires de la messe en latin. Depuis l'hiver dernier, plus d'un millier de fidèles - sur environ 5 000 disciples - ont rejoint dans son équipée séditieuse le retraité parisien Yves Amiot, un lefebvriste de la première heure, que la hiérarchie de la Fraternité voue désormais aux gémonies.
 
Car chez les traditionalistes en dissidence avec Rome - pourtant bien placés pour savoir ce qu' "insoumission" veut dire, les critiques passent mal. Depuis l'hiver dernier, l'église Saint-Nicolas-du-Chardonnet, fief historique de la congrégation, est redevenue le chaudron subversif des années 1980: des affichettes placardées sous verre dans le tambour d'entrée de l'église fustigent les sympathisants de Sensus fidei, taxés de "trotskistes", voire - ultime abomination - de "révolutionnaires" dans des tracts anonymes.
 
Bref, au royaume lefebvriste, les soldats de Dieu ne marchent plus très droit. La faute à l'abbé Laguérie, curé de l'église bordelaise Saint-Eloi, exclu de la Fraternité en août dernier après avoir dénoncé la rigidité des méthodes de formation des futurs prêtres de la communauté. Le problème de fond? L'essoufflement de l'ardeur prosélyte et le repli sur soi, pestent les insoumis. "La Fraternité ressemble aujourd'hui à un donjon dans lequel ne sont admis que les parfaits, les dociles", accuse Yves Amiot. Les catholiques hostiles à Vatican II fêteront cette année le centenaire de la naissance de Mgr Lefebvre. En attendant l'élection, à la rentrée 2006, d'un nouveau supérieur. Les soutanes n'ont pas fini de voler.