26 juin 2012

[Paix Liturgique] Nantes, un diocèse où se justifierait la célébration de la forme extraordinaire dans toutes les paroisses

SOURCE - Paix Liturgique, lettre n°341 - 26 juin 2012

Bien que ne concernant pas nos préoccupations, l’accession de Jean-Marc Ayrault, maire de Nantes, au rôle de premier ministre, permet tout de même de se souvenir que l’histoire du catholicisme français, à l’image du parcours de ce chrétien militant dans le très progressiste Mouvement rural de la Jeunesse chrétienne passé au socialisme le plus laïque, est celui d’une sortie de la religion pour évoquer le thème de Marcel Gauchet (dont nous faisons ici une libre utilisation). Quant au territoire nantais, il n’y a pas si longtemps profondément catholique, il est aujourd’hui un désert religieux.

Et comme partout, ce qui reste vivant du catholicisme est au moins « classique », pour  ne pas dire traditionnel. Dans le diocèse de Nantes, c’est près d’un fidèle sur deux qui assisterait à la messe traditionnelle… si le Motu Proprio était appliqué dans sa paroisse.

Poursuivant notre série de sondages dans les diocèses français, nous avons demandé à l’institut JLM Études de mener une étude dans ce diocèse, correspondant au département de la Loire-Atlantique. Même si la pratique religieuse est basse, Nantes, ville bretonne et ville familiale, présente encore les beaux restes d’un fort tissu social catholique, notamment en matière d’enseignement et de mouvements de jeunesse. Le reste du diocèse est essentiellement rural, mis à part l’estuaire de la Loire où se trouve Saint-Nazaire (70 000 habitants). L’été, la population du littoral explose, notamment dans la presqu’île de Guérande (La Baule, Pornichet, etc.) où affluent les vacanciers, dont bon nombre de familles.

Le christianisme à Nantes naît à l’époque du martyre des saints Donatien et Rogatien, les « Enfants Nantais », martyrs vers 290. Le diocèse compte aujourd’hui 84 paroisses et près de 400 prêtres, ce qui n’est pas négligeable même si, comme presque partout en France, la pyramide des âges pousse vers le haut puisqu’un prêtre sur trois a plus de 75 ans et que seuls 12 séminaristes sont en formation. L’évêque actuel est Mgr Jean-Paul James, 60 ans, nommé par Benoît XVI le 8 juillet 2009.

I – LES RÉSULTATS DU SONDAGE

L’étude a été réalisée auprès d’un échantillon  représentatif de la population de 18 ans et plus du département de Loire-Atlantique (diocèse de Nantes). La passation des enquêtes a été effectuée du lundi 6 février au mercredi 15 février 2012. Sur les 851 personnes interrogées, 411 se sont déclarées catholiques, 416 non catholiques et 24 ont refusé de répondre. Les résultats qui suivent portent sur les 411 se déclarant catholiques, soit 48,3 % de l’échantillon total. Désert religieux : il est donc à noter, et c’est le premier résultat étonnant et attristant de notre sondage, qu’en Loire-Atlantique les personnes se déclarant catholiques représentent moins de la moitié de la population... comme en Seine-Saint-Denis !

a) Assistance à la messe
21,9 % des sondés " catholiques " déclarent assister à la messe chaque semaine ;
8,5 % une à deux fois par mois ;
19,8 % pour les grandes fêtes ;
38,1 % occasionnellement ;
11 % jamais ;
0,6 % ne répondent pas.
Dans les réponses suivantes, nous considérerons les 30,4 % de catholiques nantais assistant à la messe au moins une fois par mois et que nous appellerons, comme le veulent les catégories sociologiques, les “ pratiquants ”.

b) Connaissance du Motu Proprio
66,7 % des catholiques pratiquants du diocèse disent connaître le Motu Proprio Summorum Pontificum contre 33,3 % qui n’en ont jamais entendu parler.
Sur l’ensemble des catholiques (pratiquants et non-pratiquants), c’est une majorité qui déclare ne pas connaître le Motu Proprio Summorum Pontificum (52 % contre 48 %).

c) Perception du Motu Proprio
50,1 % des catholiques pratiquants trouvent normale la coexistence des deux formes du rite romain au sein de leur paroisse ; 20,2 % n’ont pas d’avis ; et 29,7 % la trouvent anormale.

d) Participation à la forme extraordinaire
À la question « Si la messe était célébrée en latin et grégorien sous sa forme extraordinaire dans votre paroisse, sans se substituer à celle dite “ ordinaire ” en français, y assisteriez-vous ? »
Chez les pratiquants, 30,3 % déclarent vouloir assister à la liturgie extraordinaire chaque semaine et 18,1 % à un rythme mensuel. Soit 48,4 % des pratiquants actuels du diocèse de Nantes (près d’un pratiquant sur deux) qui iraient au moins une fois par mois participer à une messe en latin et en grégorien selon le missel de 1962… En fait cela nous montre que le diocèse de Nantes devrait être un diocèse où la forme  extraordinaire devrait être célébrée dans TOUTES LES PAROISSES si le texte du Pape était appliqué …

II - QUELQUES RÉFLEXIONS AU SUJET DE CES RÉSULTATS 

En dehors du fait que le taux de personnes se déclarant catholiques (48 %) est inférieur à celui des non catholiques (49 %), le chiffre le plus singulier de cette étude est celui des catholiques au courant du Motu Proprio.

À la question “ Le Pape Benoît XVI a rappelé en juillet 2007 que la messe pouvait être célébrée à la fois sous sa forme moderne dite « ordinaire » ou de Paul VI : en français, le prêtre faisant face aux fidèles, la communion étant reçue debout ; et, sous sa forme traditionnelle dite « extraordinaire » ou de Jean XXIII : en latin et grégorien, le prêtre tourné face à l’autel, la communion étant reçue à genoux. Le saviez-vous ? ”, 48 % ont répondu oui contre 52 % répondant non. Cette majorité de catholiques (pratiquants, pratiquants occasionnels et non pratiquants) ignorant le texte de Benoît XVI traduit le faible écho qui lui a été donné localement, même si le précédent évêque de Nantes, Mgr Soubrier, avait publié dès le 8 juillet 2007 une “ Lettre aux prêtres, diacres, religieux, religieuses et à tous les fidèles de Loire-Atlantique ”.

On peut pointer du doigt dans ce déficit d’information l’attitude du premier quotidien régional français, Ouest-France, organe historiquement dévoué à la Démocratie chrétienne mais très souvent silencieux voire partisan dès lors qu’il s’agit d’aborder la tradition ou même simplement l’orthodoxie catholique.

En dépit du cadre sociologique saisi par l’enquête de l’institut JLM Études et qui traduit un affadissement assez surprenant du catholicisme en Loire-Atlantique, le résultat à la question portant sur l’intention des pratiquants de participer à la forme extraordinaire si celle-ci était célébrée dans leur paroisse est excellent : 30,3 % y assisteraient chaque semaine et 18,1 % une à deux fois par mois, soit un pratiquant sur deux qui vivrait au rythme de l’enrichissement mutuel des deux formes liturgiques voulu par le Souverain Pontife.

III - LA SITUATION DE LA FORME EXTRAORDINAIRE DANS LE DIOCÈSE DE NANTES

On pourrait résumer en disant que la présence des communautés traditionnelles est relativement satisfaisante (relativement, car les besoins pastoraux sont tels qu’on pourrait les utiliser bien davantage), mais il reste beaucoup à faire dans les paroisses pour répondre à la demande révélée une fois de plus par notre sondage.

Par la volonté de son évêque de l’époque, Mgr Émile Marcus, Nantes a été l’une des premières villes à bénéficier, dès 1988, de l’application du Motu Proprio Ecclesia Dei. Confiée dans un premier temps à des prêtres diocésains, la messe a ensuite été célébrée par des prêtres de la Fraternité Saint-Pierre venant de Versailles jusqu’à ce que, en 1996, un prêtre de la FSSP devienne résident. Peu à peu l’apostolat de la FSSP s’est donc enrichi (catéchisme, sacrements, scoutisme, etc.) jusqu’à ce qu’un deuxième prêtre rejoigne le premier.

Dès 1988, la liturgie traditionnelle a trouvé refuge en l’église Saint-Clément, du moins les jours de semaine, la célébration dominicale se faisant dans telle ou telle chapelle de la ville. À partir du début des années 2000 et jusqu’à cet été, la messe a été célébrée le dimanche matin en la chapelle du collège Saint-Stanislas (très grande chapelle pouvant accueillir jusqu’à 450 fidèles) et le dimanche soir à Saint-Clément. À la rentrée prochaine, les deux messes dominicales auront lieu à Saint-Clément, ce qui achèvera le passage d’un Motu Proprio à l’autre, la célébration de la forme extraordinaire devenant totalement paroissiale dans le cadre de Saint-Clément.

Expliquant à ses fidèles cette évolution dans un communiqué du 17 juin, l’abbé Jouachim (FSSP) en a bien décrit la motivation : “ L’esprit du Motu Proprio Summorum Pontificum de 2007 demande [...] que la liturgie traditionnelle soit accessible à tous, et que les fidèles ne soient pas marginalisés à cause de leur choix. ”

C’est l’un des effets de l’arrivée de Mgr James sur le siège épiscopal fin 2009 : avec lui, la situation de la liturgie traditionnelle tend à se conformer pleinement au nouveau cadre canonique créé par le texte de juillet 2007 et l’instruction Universæ Ecclesiæ de 2011.

De fait, les deux prêtres nantais de la Fraternité Saint-Pierre – les abbés Jouachim et Roseau – sont désormais vicaires de la paroisse Saint-Clément, attachés à la forme extraordinaire du rite romain. Aujourd’hui, ce sont plus de 500 fidèles qui participent de la vie de la FSSP à Nantes (plus de 400 fidèles à Saint-Stanislas et une centaine le soir à Saint-Clément).

Autre application du Motu Proprio dans le diocèse, la messe hebdomadaire célébrée le dimanche soir depuis l’été 2011 en la paroisse Saint-Donatien de Nantes. Le célébrant en est le vicaire, le Père Jiménez Torres, ancien de la Fraternité Saint-Pie X, désormais incardiné dans le diocèse et canoniste. Cette messe, que les paroissiens de Saint-Donatien tendent désormais à appeler “ la messe du soir ” et non plus “ la messe en latin ”, signe de sa bonne intégration dans les habitudes paroissiales, rassemble une cinquantaine de fidèles. L’arrivée de la liturgie traditionnelle à Saint-Donatien a également permis d’offrir de nouveau, le soir de Noël, la messe de Minuit aux paroissiens. Plus de 150 d’entre eux en ont profité ces dernières années.

Signalons en outre que, depuis avril 2010, le Père Jiménez Torres célèbre un dimanche sur deux en l’église de Mouais, au nord du département, à quelques minutes de la voie rapide qui relie Nantes et Rennes. Le 20 mars 2010, le Père Denis Moutel, alors vicaire général du diocèse (*), présentait cette application comme une disposition “ prise à l’essai, pour une période allant du dimanche 11 avril au dimanche 14 novembre ” à l’initiative des “ deux curés de la zone pastorale de Châteaubriant ”, les pères Arnaud de Guibert et Hubert Vallet, qui entendaient ainsi accueillir “ la demande, faite par un groupe de paroissiens, de pouvoir célébrer régulièrement la messe [...] conformément aux dispositions du Motu Proprio de Benoît XVI de juillet 2007 ”. Au 14 novembre 2010 l’expérience a été reconduite, toujours au rythme d’un dimanche sur deux ce qui ne favorise pas son enracinement (que deviendraient nos belles paroisses si la messe n'y était célébrée qu'un dimanche sur deux ?), cet handicap du rythme non-hebdomadaire étant aggravé par le caractère isolé du lieu de célébration).

En dehors de Nantes, deux autres messes dominicales sont célébrées à Couëron (15 km à l’ouest de la ville) et aux Sorinières (10 km au sud). Y officie l’abbé Pilnière, issu dans les années 70 du diocèse de Cuenca en Espagne – comme, notamment, le Père Wladimir, fondateur des chanoines de Lagrasse, ou encore l’abbé Scrive, curé de Belloy-en-France.

Enfin, la Fraternité Saint-Pie X est implantée depuis longtemps dans le diocèse, à la fois au Rafflay, où se trouvent les Petites Servantes de Saint-Jean-Baptiste, à Pornichet et à Nantes bien entendu où le Prieuré Saint-Louis attire jusqu’à 800 fidèles le dimanche (4 messes). De fait, l’actuel prieur, l’abbé de La Rocque, a lancé une souscription pour la construction d’une église dédié à saint Émilien, évêque de Nantes au VIIIe siècle, en lieu et place de l’actuelle chapelle.

IV – LES AUTRES DEMANDES DE CÉLÉBRATION DANS LE DIOCÈSE DE NANTES

Depuis 2008, et l’arrivée du Père Yvon Barraud dans la paroisse, une application estivale du Motu Proprio a lieu à Guérande. Cette année, la messe selon la forme extraordinaire du rite romain sera célébrée à 18h du dimanche 15 juillet au dimanche 19 août à l’église paroissiale de La Madeleine et à 11h, les 15 août et 26 août. Quelques familles ont demandé que la messe soit célébrée tout au long de l’année.

Cette question du nombre et de l’éparpillement des demandeurs en dehors de Nantes se retrouve également pour les paroisses d’Ancenis, Ligné et Saint-Mars-la-Jaille où la demande d’application du Motu Proprio a été formulée en 2008-2009 sans qu’une suite favorable ne lui ait été donnée. Une situation similaire se présente actuellement dans l’estuaire Sud-Loire, entre Saint-Brévin-les-Pins et Pornic où plusieurs familles souhaiteraient également la messe traditionnelle. Selon l’un des curés confrontés à ces demandes inter paroissiales, le problème pour le curé est de pouvoir proposer une célébration suffisamment centrale pour fédérer les demandeurs sans bouleverser le calendrier existant des paroisses.

Se poserait en outre la question de la stabilité des groupes de demandeurs. En effet, les apostolats exercés à Nantes par la Fraternité Saint-Pierre et par la FSSPX exerceraient un pouvoir très fort sur les fidèles du diocèse, en particulier sur les familles dont les enfants sont scolarisés dans les écoles liées à ces deux fraternités (le cours Charlier, l’école sainte Catherine de Sienne, l’école saint Louis). Un exemple concret est souvent cité : la messe accordée à Mouais pour les fidèles de la région de Châteaubriant.

À Mouais, selon le témoignage de l’abbé Jiménez, il n’y aurait plus qu’une vingtaine de fidèles assidus alors que la célébration en attirait une cinquantaine à ses débuts. L’existence même de la célébration serait d’ailleurs aujourd’hui remise en question. On nous permettra de nous interroger sur les conditions de cette célébration à Mouais. On a vu précédemment que celle-ci n’est pas célébrée tous les dimanches mais seulement un dimanche sur deux. En outre elle correspond à une zone qui comprend les paroisses de Châteaubriant, Moisdon-la-Rivière, Derval et Nozay mais a lieu dans “ une petite commune ” pour “ éviter les divisions au sein d’une paroisse ” comme l’expliquait le curé de Châteaubriant en 2010. Ces conditions sont-elles véritablement aptes à favoriser la création d’un esprit authentiquement paroissial chez les fidèles attachés à la forme extraordinaire du rite romain dans cette région ? Et sont-elles une réponse " honnête " à la demande des fidèles de Chateaubriant ? Combien de fidèles compterait la célébration en forme ordinaire de Chateaubriant si, pour les besoins de la démonstration, elle avait lieu un dimanche sur deux seulement dans l’église de Mouais… On ne peut comparer que ce qui est comparable et en tous les cas pas tirer de conséquences générales d’une application très particulière du Motu Proprio. Redisons-le une fois encore, le droit commun du Motu Proprio est le cadre paroissial : les deux formes de l’unique rite romain célébrées par le curé dans son église paroissiale, le reste n’est bien souvent qu’une mauvaise application du Motu Proprio de… 1988.

ENFIN...

Ce sondage a coûté la somme de 5500 € TTC. Si vous souhaitez participer à son financement et nous permettre de continuer notre travail d’information (notamment en nous aidant à lancer deux nouveaux sondages sur les diocèses de Pontoise et de Meaux), vous pouvez adresser votre don à :
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en libellant votre chèque à l’ordre de Paix liturgique, ou par virement
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(*) Mgr Denis Moutel est désormais évêque de Saint-Brieuc où son attitude envers le Motu Proprio semble correspondre à ce que nous déclarions il y a peu au sujet des évêques qui incorporent d'ores et déjà la réintégration en totale communion de la Fraternité Saint-Pie X… comme nous aurons prochainement l’occasion de le dire.