27 janvier 2009





Réintégration d'évêques intégristes: émotion des juifs, trouble des catholiques
27/01/2009 - AFP - google.com
CITE DU VATICAN (AFP) — La réintégration samedi par le pape Benoît XVI de quatre évêques intégristes excommuniés il y a vingt ans, parmi lesquels un négationniste, provoquait des remous mardi dans l'Eglise catholique tandis que les critiques des représentants juifs ne faiblissent pas. Radio Vatican et l'Osservatore Romano, le journal du Vatican, ont fermement condamné les déclarations de Richard Williamson, l'évêque intégriste qui a nié l'existence des chambres à gaz, rappelant aussi le pèlerinage accompli par Benoît XVI à Auschwitz en mai 2006 et son attachement au dialogue avec le judaïsme.
Mais alors que l'Europe commémorait la libération du camp d'extermination d'Auschwitz le 27 janvier 1945, le président de l'Union des communautés juives italiennes Renzo Gattegna déclarait attendre une clarification officielle.
"Cette affaire ne doit pas interrompre le dialogue mais nous attendons un geste positif", a-t-il dit.
Le dialogue judéo-catholique a déjà été compliqué par le retour d'une prière pour la conversion des juifs dans la messe en latin réhabilitée par Benoît XVI et le projet de béatification du pape Pie XII.
Des juifs et des catholiques se sont inquiétés du geste du pape en direction d'un courant religieux connu pour son hostilité au judaïsme.
Ce mouvement "n'accepte pas les positions théologiques du concile Vatican II sur les juifs", a rappelé le grand rabbin de Rome Riccardo Di Segni.
Vatican II (1962-1965) a rompu avec la théologie du peuple juif "déicide" (coupable de la mort du Christ) qui a alimenté deux millénaires d'antisémitisme.
La FSSPX fondée par Mgr Marcel Lefebvre (aujourd'hui décédé) a provoqué un schisme en 1988 après avoir refusé les enseignements du concile (liberté religieuse, pluralisme), notamment la déclaration "Nostra Aetate" selon laquelle les juifs sont les "frères aînés" des chrétiens.
"Williamson représente la pointe extrême mais on ne peut pas faire semblant d'ignorer que l'antisémitisme (...) est un élément constitutif de ce courant", a relevé l'historien catholique italien Alberto Melloni dans La Repubblica.
En France, l'essayiste Matthieu Grimpert a confié sa "honte d'être catholique" dans une tribune au quotidien La Croix.
Rappelant que l'Eglise catholique interdit la communion aux divorcés remariés, il estime qu'elle donne "la détestable impression que pour les catholiques il vaut mieux être antisémite que divorcé".
Le trouble n'a pas épargné les évêques interrogés par La Croix. Mgr Maurice Gardès, chargé des relations avec le judaïsme, a trouvé "étonnant" que la décision de lever l'excommunication des lefebvristes n'ait "pas été accompagnée de manière explicite de l'énoncé des conditions".
En Allemagne, son collègue Heinrich Mussinghoff, évêque d'Aix-la-Chapelle, a exhorté les évêques intégristes à faire allégeance "sans ambiguïté et de manière crédible" à Vatican II et à "Nostra Aetate".
"Il y a une grande confusion" dans l'Eglise, déclare Alberto Melloni selon lequel "les fidèles, les évêques, les cardinaux se demandent si Vatican II est devenu un élément facultatif".
Depuis le début de son pontificat, Benoît XVI a mis l'accent sur les éléments de continuité dans l'histoire de l'Eglise avant et après Vatican II en en gommant les éléments de rupture.
Le théologien suisse contestataire Hans Küng, qui fut l'ami de Benoît XVI, s'est inquiété de "la signification profonde" de la décision du pape, évoquant dans La Repubblica "un contexte général de restauration".