13 juin 2007





Mal de vocation
La Semaine du Pays Basque n° 718 du 7 au 13 juin 2007 - Colette Larruburu - Mis en ligne par laportelatine.org
Diocèse. L'abbé Crouzat analyse les éléments objectifs de cette désaffection.
La voie traditionaliste ne semble pas être matière à enrayer la crise.
A l'heure où les vocations font cruellement défaut, les "irréligieux" que nous sommes ne peuvent s'empêcher de se poser la question : mais pourquoi donc Mgr Pierre Molères ne laisse-t-il pas ce jeune Biriatar dire sa messe dans son village natal ? "Au sens strict, commente l'abbé Louis Crouzat, responsable du service diocésain des vocations, Mgr Pierre Molères est parfaitement dans son droit.. Ecône n'est pas en communion avec Rome. Après, le fait que l'évêque de Quimper permette à ce jeune homme de célébrer une messe dans son diocèse alors que Mgr Molères lui refuse de le faire dans le sien, relève de l'appréciation de chacun, selon sa conscience. Quoiqu'il en soit depuis 1976 (voir ci-dessus Histoire d'une rupture), Marcel Lefebvre est schismatique. Je voudrais insister sur un point. On focalise pour expliquer la rupture entre les traditionalistes et les progressistes sur cette histoire de messe en latin. Or, au fil des ans, nous avons bien compris que ce n'est pas cela l'essentiel.Trois points dérangent plus les traditionalistes. En premier lieu, le décret sur l'oecuménisme : les traditionalistes n'ont pas compris que la majorité des évêques soient entrés en discussion avec les représentants des autres religions. En second lieu, la déclaration sur les religions non chrétiennes. Ils n'ont pas compris que nous nous interrogions sur le judaïsme et les autres religions et en particulier sur le point de savoir si elles pouvaient ou non être sauvées. Dernier point, le droit à la liberté religieuse. Ils n'ont pas compris que nul ne peut être contraint d'agir contre sa conscience. En clair, le point de rupture porte plus sur le régime légal de liberté religieuse que sur le fait ou non de dire la messe en latin. Par ailleurs pour être plus précis, à l'initiative de Jean-Paul II, depuis 1990 la fraternité de saint-Pierre qui regroupe des prêtres et des fidèles ont la possibilité de célébrer la messe selon le rite Pie V. Aujourd'hui, le pape Benoît XVI envisage de libéraliser l'usage de la messe de saint Pie V. Cela voudrait dire, si cette règle rentrait en application que n'importe quel fidèle peut demander à son curé de célébrer la messeen latin selon le rite de Pie V et que n'importe quel prêtre peut l'imposer à ses fidèles. Mais, nous n'en sommes pas là. C'est pourquoi Mgr Molères ne fait qu'appliquer strictement le droit dans le cas précis de ce jeune homme."
Blessure
L'abbé Crouzat avoue " bien sûr que c'est une blessure cette histoire de Biriatou comme c'est une blessure de voir des jeuness'orienter vers la famille traditionaliste. pourquoi le font-ils ? Je ne saurais le dire. Ils pensent peut-être que les limites de la chrétienté sont floues et que dans cette famille-là, ils auront plus de repères. Qu à tort ou a raison, il leur sera plus facile de vivre leurs certitudes dans ce cadre-là. Certains croient aussi que les attributs de la fonction comme la soutane leur donneront une autorité présumée. Est-ce suffisant ?"
Reste une question : Ecône est-elle une des solutions pour enrayer la crise des vocations ? "Ce catholicisme-là, nous l'avons connu pendant quatre siècles, jusqu'au milieu du XX° siècle exactement. Et ça n'a pas empêché une proportion significative de fidèles de s'éloigner. De même le concile Vatican II instauré par Jean XXIII en partie pour enrayer ce déclin, n'a pas inversé la tendance."
Eléments objectifs
Les chiffres eux sont têtus. Depuis 2000, il y a eu quatre ordinations dans le diocèse alors que dans les années 1950, ,on en comptait 15 par an. Les clefs pour enrayer cette tendance ? "Personne ne les a, rétorque l'abbé. On peut tout de même établir trois éléments objectifs. La courbe annuelle du nombre de prêtres ordonnés annuellement en France est rigoureusement parallèle à la courbe du taux de pratiquants recensés. Et ce, depuis 50 ans. Conclusion, s'il y a moins de prêtres, c'est aussi parce qu'il y a moins de fidèles. A noter également que les 2/3 des séminaristes et novices sont issus de familles catholiques où au moins un des parents est pratiquant militant. dernier fait objectif, en remontant sur deux siècles, on constate que les religieux étaient issus de familles nombreuses et c'est encore le cas aujourd'hui à 60%."
Face à ce constat, un élément subjectif : le célibat - chacun a encore à l'esprit l'histoire du père Léon Laclau - n'est-il pas un des facteurs de la désaffection ? " Plus que le célibat, c'est l'engagement à vie qui pose problème. La capacité à être mobile est tellement valorisée aujourd'hui que probablment cela induit une difficulté. De plus, du fait de la rareté de la fonction, les gens ont peur aussi d'être seuls. C'est peut-être à nous qu'il revient de donner des liens visibles de notre fraternité. Nous gagnerions à travailler là-dessus."
La messe est dite. Moins de fidèles, moins de prêtres. Des fidèles peu pratiquants pour la plupart qui veulent compter sur la présence d'un prêtre à trois moments de leur vie : baptême, mariage et enterrement. "L'inhumation au cimetière est de plus en plus souvent accompagnée par un civil. De même que la visite préparatoire à l'heure de la mort. Nous ne sommes pas arrivés comme dans d'autres diocéses à confier la messe d'obsèques à des civils. Mais, nous allons vite nous y trouver confrontés. La génération de 1950 va bientôt rendre "son tablier". Une génération qui a donné beaucoup de prêtres".