15 juin 2008

Vingt ans après
Juin 2008 - Abbé Patrick de La Rocque, FSSPX - Extrait de La Croix de Saint-Gilles - mise en ligne par laportelatine.org
Abbé Patrick de La Rocque
Prieur de Toulouse
Ce 30 juin 1988, le champagne coulait de part et d’autre, quoique fort différemment. Au sens littéral du terme, plusieurs évêques de France se retrouvaient autour du cardinal Lustiger pour arroser ce qu’ils considéraient comme la fin du “mouvement lefebvriste”, et par là même de toute résistance traditionnelle. Ils buvaient au triomphe du modernisme. Tout autre était l’allégresse d’Ecône. S’il fallait y parler d’ivresse, c’est de l’ivresse spirituelle des apôtres au jour de la Pentecôte dont il s’agissait. Sur la célèbre pelouse d’Ecône venait de se réaliser “l’opération survie” de la Tradition, de cet immense trésor de l’Eglise menacé par la crise moderniste. Monseigneur Lefebvre venait de sacrer quatre évêques, malgré l’absence de mandat apostolique.
Vingt ans après… Vingt ans n’est rien devant l’histoire de l’Eglise. C’est à l’échelle du siècle que se mesurent les mouvements ecclésiaux. Et pourtant. Vingt ans après, que de fruits magnifiques issus de cet instant ! La seule Fraternité Saint-Pie X est déjà une belle couronne pour l’évêque consécrateur. Les prétendus “spécialistes” de l’époque considéraient que ladite Fraternité se réduirait de moitié, et ne survivrait point à la mort de son fondateur. L’exact inverse s’est produit. La Fraternité Saint-Pie X qui comptait alors moins de 200 prêtres en dénombre aujourd’hui quelque 480, et ses 76 maisons d’alors sont devenues 154. Ces fruits sont importants, il sont une gloire pour l’Eglise.
Du geste de Mgr Lefebvre, beaucoup sont encore redevables. Même s’ils ont parfois tendance à l’oublier, nombre d’Instituts ou de Fraternités lui doivent vie. Qu’ils s’appellent Fraternité Saint Pierre, Institut du Christ Roi ou encore du Bon Pasteur, nul n’aurait d’existence sans les sacres. Certes, ces Instituts ne combattent pas autant qu’ils le pourraient – et devraient – pour le bien de l’Eglise. De Mgr Lefebvre, ils ont hérité la fidélité à la Messe traditionnelle, mais non son amour vrai et pleinement engagé pour le bien de l’Eglise. Le déplorer n’empêche pas de reconnaître que ces Instituts font quelque bien, et ce bien est à placer au palmarès des sacres. Sans ces sacres enfin, point de Motu Proprio, point de reconnaissance du droit pérenne de la Messe de toujours, point de Messe traditionnelle accordée à toute l’Eglise. Il n’a pas manqué de cardinaux pour le reconnaître.
Vingt ans. Vingt ans seulement et déjà tant de fruits ! Il importe de s’en réjouir. Il importe aussi au plus haut point de réaliser que ce ne sont là que des prémisses. En son amour pour l’Eglise, Mgr Lefebvre ne voulait pas seulement que Rome retrouve sa liturgie. Il voulait qu’elle renoue avec sa doctrine, avec sa fierté d’épouse unique du Christ, avec son rayonnement apostolique sur les Cités. Autant de fruits dont il reste à préparer l’avènement. La tâche est belle, mais l’homme n’y œuvrera efficacement qu’à la mesure de son amour pour l’Eglise. A l’instar de Mgr Lefebvre.
Le dossier qui suit [ Voir ICI ] n’est donc pas fait de nostalgie. Appuyé sur les grands textes de l’époque, il entend reprendre les principaux arguments qui poussèrent Mgr Lefebvre à sa décision héroïque. Qu’ils soient historiques, théologiques, moraux ou canoniques, ces arguments doivent devenir nôtres. C’est que la tâche, inachevée, a été remise entre chacune de nos mains. Nous ne la mènerons à bien qu’autant que nous serons animés du même amour éclairé de l’Eglise.  Puisse donc cette lecture instruire et enflammer les nouvelles générations, raviver l’idéal de ceux qui ont vécu ces grands moments.
Si le grain ne meurt, il demeure seul ; s’il meurt, il porte beaucoup de fruits (Jn 12, 24). Pour porter ces fruits, il fallut que Mgr Lefebvre meure aux yeux des hommes. Les sacres furent pour lui l’acte de mort de sa réputation comme de son honneur ecclésiastique, aux yeux de ses pairs comme à ceux de cette Rome tant aimée. Les hommes l’excommunièrent, le bannirent, le méprisèrent. Pour avoir réalisé ses sacres épiscopaux. Viendra le jour où l’Eglise reconnaîtra à la face du monde ce que fut cet acte : un acte héroïque d’amour de l’Eglise, fruit d’une foi inébranlable, d’une obéissance audacieuse. Pour ce seul acte, l’Eglise pourrait élever Mgr Lefebvre sur ses autels. Elle le fera, j’en suis sûr. Dans vingt ans ?
Abbé Patrick de LA ROCQUE
Extrait de La Croix de Saint-Gilles - Numéro hors série