20 décembre 2006

Pourquoi je reste membre de la FSSPX
20 décembre 2006 - Abbé Aulagnier
Certes je suis un des membres fondateurs de l’Institut du Bon Pasteur et m’en réjouis y voyant une œuvre providentielle. Cette fondation, voulue par Benoît XVI, a obtenu, de lui,  le 8 septembre, le privilège de la messe de toujours. C’est un de ses biens… J’y fus sensible car j’ai voué ma vie sacerdotale à la restauration de cette messe dans l’Eglise.
Toutefois je reste membre de la FSSPX malgré mon exclusion…J’ai essayé de montrer à mes confrères que leur décision d’exclusion était nulle parce qu’en tous points contraire au Droit Canon.
Mais ce n’est là qu’un aspect de la question, un aspect même mineur.
Je suis membre de la FSSPX et le reste parce que je reste attaché à la personne de Mgr Lefebvre et à son œuvre, à son souvenir, à sa pensée, à son enseignement, celui de l’Eglise catholique que j’aime.
Je vois en lui le grand restaurateur du sacerdoce par la vie commune qu’il nous enseigna retrouvant ainsi la pensée augustinienne.
Je vois en lui le grand restaurateur du sacerdoce par l’amour qu’il nous donna de la sainte Eucharistie, de la Liturgie. Ce sont là certainement les deux grands biens du sacerdoce dont la garde favorise la sainteté sacerdotale. Avec quelle piété, il célébrait la sainte Messe ! Avec quel respect, il officiait la sainte Liturgie. Je l’ai vu célébrer les saints mystères souvent, de nombreuses années, de nombreux matins dans notre oratoire de la route de Marly, dans la chapelle de la rue de la Vignetaz, à Fribourg, au séminaire d’Ecône. Je témoigne de son recueillement, de son humilité, de son adoration. Tout cela reste en ma mémoire. Je ne peux m’en défaire. Je ne peux l’oublier. Mon exclusion m’a blessé profondément. La plaie reste vive. J’ai donné toute ma vie à cette œuvre sacerdotale qu’il fonda en 1969, en octobre 1969. Je l’ai aidé autant que je l’ai pu, à Fribourg et en France surtout.  De ses mains, j’ai reçu le sacerdoce. C’est pour moi une grâce, une grâce qui  me lie à jamais à son épiscopat, à sa personne. Comment voulez-vous que j’oublie cela ? Et quelle bonté en sa personne ! Quel respect des êtres et des choses ! Quelle charité dans son regard, dans son geste ! Quel oubli de lui-même. Croyez-vous que l’on puisse en être séparé, que l’on puisse être rejeté de cette fondation comme cela, simplement, par une lettre, par une  simple lettre fut-elle envoyée en recommandée avec accusé de réception. Ce n’est pas possible.
C’est lui, du reste, qui est le père, directement ou indirectement,  des nombreux instituts, qui gardent la messe dite de saint Pie V : de la Fraternité Saint-Pierre à la fondation du R.P. de Blignière, des Chanoines de la Mère de Dieu –  Qui donc a protégé l’abbé Vladimir alors au séminaire français  - à l’Institut du Père Argoua’ch…S’il a pu retrouver les immeubles du Père Revé, c’est qu’ils lui furent conservés à l’heure providentielle…Je peux vous en donner tous les détails. Ce serait peut-être l’Institut du Christ-Roi qui aurait les liens les plus lâches avec Mgr Lefebvre,  pourtant son fondateur lui-même, M l’abbé Wach, reconnaît l’influence qu’il a joué sur sa propre fondation…Ne parlons pas du monastère de Dom Gérard. Si Dom Gérard brille de sa propre excellence, ses sujets, beaucoup d’entre eux, reçurent le sacerdoce des mains du saint prélat.  Oui  il est le père dans le sacerdoce de tous les anciens qui  restent fidèles à cette belle messe tridentine. C’est cela qu’il faut voir au-delà de toutes les difficultés rencontrées. Par cela,  on peut mesurer l’influence de Mgr Lefebvre dans le milieu du 20ème siècle. Si Benoît XVI arrive à restaurer la sainte Liturgie, il le devra pour une grande part à Mgr Lefebvre, à ceux qui reçurent de lui le sacerdoce et qui jouirent de sa sainte influence. Que serait devenue la messe tridentine sans lui, je vous le demande ?
Il y eut des écrivains. Il y eut des théologiens. Il y eut de bons prêtres…Tous coopérèrent à cette œuvre. C’est leur grande œuvre…Mais sans cet évêque, point de prêtres. Nous aurions les plus belles réfutations de la « révolution liturgique » mais nous n’aurions pas eu les prêtres pour continuer à prêcher le saint Evangile et réaliser le saint sacrifice de la messe dans ce beau rite, cœur de toutes les grâces. Tous le comprirent. C’est ainsi et ainsi seulement qu’a pu être maintenu cette messe que la hiérarchie semblait mystérieusement ne plus aimer.
Je reste attaché à Mgr Lefebvre parce que c’est lui qui m’apprit, après ma famille et ma mère, l’amour de l’Eglise. En elle, il a « voulu vivre et mourir » et quoi qu’on puisse en dire c’est cet amour de l’Eglise qui lui fit accomplir cet acte  - oh combien difficile – des sacres de quatre évêques… au-delà même de sa propre réputation, de son propre nom. Il m’est difficile d’entendre, comme on l’entend dans un certain manifeste, ces jours derniers, que, pour cela, il aurait rompu la « pleine communion avec l’Eglise ». Il provoqua plutôt un « sursum corda », une réaction de la hiérarchie elle-même…Et c’est le cardinal Ratzinger qui, le premier mena cette réaction, cette réflexion dans sa conférence qu’il donna au Chili en juillet 1988 et après, par l’influence qu’il exerça auprès de Jean-Paul II.
Et cette réaction suivit dès lors son chemin. Peu à peu. Année après année… C’est alors qu’en 2000, en l’année jubilaire, Rome tendit, de nouveau,  la main à la FSSPX. Mgr Lefebvre fut toujours résolu de « normaliser » sa situation avec Rome. Il le manifesta encore clairement le 21 novembre 1987 dans la lettre qu’il remettait au Cardinal Gagnon proposant les conditions de cette « normalisation » et la « politique » à suivre.
Si elles ne furent pas réalisées ni réalisables encore en 1988, elles pouvaient l’être en 2000. A plus forte raison pourraient-elles l’être en 2006 avec le nouveau Pontife Benoît XVI.
Je crois qu’il est urgent que la FSSPX s’ouvre à cet examen, à cette étude. Il y a une vaste « politique » à mener…celle déjà prévue et enseignée par Mgr Lefebvre.
C’est le temps de la « normalisation » de la situation de la FSSPX avec Rome. Ce temps presse. Il ne faut plus tarder. Il ne faut plus retarder cette « marche » vers Rome. Ce serait une erreur, même une faute, une infidélité à la pensée de Mgr Lefebvre, à son action…même si tous les problèmes doctrinaux sont loin d’être réglés et l’action de la hiérarchie parfois troublante. Le Modernisme est toujours à l’œuvre ! Poursuivre cette résistance « fermée », ce  refus «  nerveux » serait risquer de s’isoler. S’isoler ne fut jamais la « politique »  de Mgr Lefebvre. Bien au contraire. Servir l’Eglise donne et exige un esprit magnanime.
Il faut s’unir tous, tous les instituts fidèles à la messe de toujours tout en gardant chacun sa spécificité, son gouvernement. 
Voilà ce que pourrait proposer Benoît XVI dans le Motu Proprio dont on parle aujourd’hui de plus en plus. Il donnerait l’élan. Restaurer dans l’Eglise la messe tridentine avec le concours de tous est  une bonne chose. Il faut qu’elle vive et revive. « Très saint Père redonnez-nous la Sainte Messe », demandait déjà Jean Madiran en 1972 au pape Paul VI et de nouveau le I août 1988 au Pape Jean Paul II en la fête de saint Pierre aux liens.
Mais pour qu’elle vive et qu’elle vive bien,  avec tous ses droits et son  honneur dû, il faut non seulement des prêtres et des évêques qui l’aiment, il faut aussi un cadre, un cadre canonique, celui d’une administration apostolique avec exemption et droit propre.
Voilà ce que pourrait être aussi le Motu Proprio de Benoît XVI.
Voilà, c’est sûr,  qu’elle était la pensée de Mgr Lefebvre. Je la crois juste et vraie. Et même nécessaire. La messe tridentine ne vivra pas autrement, ne survivra pas autrement…
Voilà pourquoi je reste fidèle à Mgr Lefebvre et, au-delà des incompréhensions, membre de la FSSPX.