11 décembre 2006

Accepter le concile
(Interview de Monseigneur Henri Freidier, vicaire épiscopal auprès de Mgr Louis Sankalé, évêque du diocèse de Nice) - 11 décembre 2006 - nice-matin.com
– Nice-Matin : Ces divisions entre catholiques ne sont-elles pas une terrible faute contre l'Amour demandé par le Christ, une déchirure à faire cesser au plus vite ?
 - Oui, mais l'amour est exigence dans la mesure où il implique la vérité. Même au temps des apôtres, il y eu des tensions et des divergences. Seule la communion dans la même foi peut permettre la vérité d'une "communion au même calice" comme disent nos frères chrétiens d'Orient.
– Le dialogue en cours avec les traditionnalistes semble faire grincer des dents en France. Qu’est-ce que l’Eglise attend des lefebvristes ?
– Les évêques de France l’ont dit lors de leur dernière assemblée plénière en novembre. En communion avec le pape, avec lequel «ils reconnaissent les richesses de l’enseignement du concile de Vatican II, fruit de la tradition vivante de l’Eglise», ils ont déclaré «désirer poursuivre l’accueil des fidèles attachés aux formes liturgiques antérieures au concile et partager le désir de réconciliation de ceux qui se sont séparés de la communioin écclésiale après le concile». Mais ils «attendent d’eux un geste d’assentiment sans équivoque au Magistère authentique de l’Eglise». L’Eglise attend qu’ils reconnaissent son magistère : l’autorité que lui a conféré le Seigneur lorsque, réunis autour du pape, les évêques prennent un certain nombre de décisions, lorsque l’Eglise se prononce dans un concile oecuménique (1) comme Vatican II.
– Et la messe en latin ?
– Ne confondons pas. Il m’arrive, comme à d’autres prêtres, de célébrer en latin, sans que ce soit la messe tridentine. Oui, il y a des traditionnalistes dans le diocèse comme ailleurs, mais ils ne sont pas nombreux. Par exemple à Nice, aux Pénitents rouges, le père Merly, de l'Institut du Christ-Roi, célèbre la messe de Saint-Pie V, mais il le fait en communion avec l’Eglise, en application de l’indult accordé par Rome. Ces questions de liturgie, ne sont pas secondaires, mais elles restent secondes. En bons Français que nous sommes, on oublie que l’Eglise ne se réduit pas à la France. Elle admet d’autres rites : maronite, jacobite, etc. Mais ce n’est pas non plus le Mac Do, où chacun peut choisir frites ou cheese burger comme bon lui semble . La liturgie n’est pas de l’ordre du libre choix des personnes, elle est l’expression de la foi de l’Eglise.
– Le noeud du problème, c’est donc Vatican II. Mgr Lefebvre et le cardinal Ratzinger (devenu depuis Benoît XVI) semblaient pourtant d’accord pour «lire le concile à la lumière de la Tradition» ?
 – Oui, mais encore faut-il s’entendre sur la Tradition. Ce n’est pas quelque chose qui s’arrête. A quelle tradition fait-on référence? Celle du IVe siècle ? Celle du Concile de Trente au XVIe siècle ? L’Eglise a toujours évolué. Nous ne sommes plus à l’époque du pape Innocent III, ni de saint Pie X. Je n’ai jamais eu le numéro de téléphone du Père éternel : la religion passe toujours par des hommes. C’est à l’homme en situation que l’Evangile s’adresse, l’homme «chimiquement pur» n’existe pas, il est toujours inséré dans une époque. Le message chrétien reste identique dans son fondement, mais son expression évolue en fonction des sensibilités de chaque époque.
1– œcuménique au sens où il a rassemblé des évêques du monde entier, et pas seulement parce que des membres d'autres religions y ont été invités.