6 octobre 2011

[Paix Liturgique] Le Pradet (Var): L'application paisible du motu proprio existe, nous l'avions rencontrée

SOURCE - Paix Liturgique n°303 - 6 octobre 2011

Commune de 11 000 habitants, située à 8 km de Toulon, Le Pradet est, à plus d’un titre, le théâtre d’une application exceptionnelle du Motu Proprio Summorum Pontificum. Nous voulons dire : application, de fait, exceptionnelle, mais en réalité exemplaire de ce qui devrait se faire. Il faut bien avouer, en effet, que le nombre de paroisses de France où le Motu Proprio est mis en application librement et spontanément par le curé lui-même et où coexistent pacifiquement les deux formes de l’unique rite romain est extrêmement limité.

À y regarder de plus prêt, l’écrasante majorité des nouveaux lieux de culte traditionnels mis en place depuis l’entrée en vigueur du Motu Proprio de Benoît XVI, l’ont été sur le modèle du Motu Proprio précédent de 1988 : mise en place par l’évêque là où le Motu Proprio de 2007 fait du curé de paroisse la pierre angulaire du nouveau dispositif ; instauration de messes traditionnelles dans des endroits dédiés (vieux concept de la réserve indienne), là où le Motu Proprio de 2007 fait de la paroisse le cadre normal d’application.

De ce premier point de vue, la paroisse du Pradet fait bien, de fait, figure d’exception, alors qu’elle est tout bonnement dans la norme romaine. Les résultats pastoraux fructueux de cette application normale, et de fait exceptionnelle, du Motu Proprio sont eux aussi à l'image de ce qui s'observe dans les autres lieux où celle-ci existe, aux États-Unis notamment.

Auparavant respectivement curé de la paroisse Saint-Georges (Paris 19ème) et vicaire à Notre-Dame-de-Clignancourt (Paris 20ème), les abbés Hubert Blin et Olivier Horovitz sont désormais curés in solidum (co-curés) de la paroisse du Pradet.

À Paris, déjà, ils étaient parmi les rares (les seuls ?) prêtres de l’archidiocèse à avoir appliqué ou tenté d’appliquer librement le Motu Proprio dans leurs paroisses respectives – ce qui, à Paris, veut dire en semaine, l’application au compte-goutte le dimanche étant du domaine réservé des autorités diocésaines.

En raison d’un certain nombre de contraintes, au nombre desquelles celles concernant la liturgie traditionnelle, ils ont préféré offrir leurs services pastoraux au diocèse de Monseigneur Rey (diocèse de Fréjus Toulon), pour œuvrer en se plaçant sous le patronage du Père Antoine Chevrier (voir notre lettre 265). La vie paroissiale reflète le charisme qui anime la communauté des Frères et Sœurs de la Mission dont ils sont les fondateurs : vie religieuse, vie pastorale intense et développement des œuvres de jeunesse par les patronages qui constituent la grande spécificité de leur apostolat. Pour plus d’informations, vous pouvez visiter le site de la paroisse.

Le Pradet est ainsi devenu l'une des rares paroisses françaises naturellement et normalement bi-formaliste. Chaque jour de la semaine, la messe y est célébrée à la fois sous sa forme ordinaire et sous sa forme extraordinaire, réunissant chacune un nombre identique de fidèles… Comme quoi, lorsqu'on donne le choix aux fidèles… Des 50 fidèles qui assistent à la messe chaque jour, la moitié suit la forme ordinaire et l'autre la forme extraordinaire. Une réalité qui confirme les chiffres que nous donnent les cinq derniers sondages que nous avons fait effectuer dans les diocèses de France, à savoir que plus de 50 % des pratiquants très réguliers – ceux qui assistent à la messe chaque dimanche et occasionnellement en semaine – souhaitent vivre leur foi catholique au rythme de la forme extraordinaire.

Chaque dimanche et jour de fête, la paroisse propose trois messes : deux célébrées dans la forme ordinaire et une dans la forme extraordinaire. L'ensemble des trois messes réunit environ 300 fidèles, dont une centaine pour la messe célébrée dans la forme extraordinaire. Un instantané qui confirme le souhait du socle incompressible de 35% des pratiquants – ceux qui vont à la messe au moins une fois par mois – de vivre leur foi au rythme de la forme extraordinaire. Les baptêmes sont également célébrés dans l’une ou l’autre forme du rite romain et un catéchisme adapté à la forme extraordinaire est également proposé depuis la rentrée de septembre.

En quelque sorte laboratoire paroissial de la bonne application du Motu Proprio, le cas du Pradet appelle plusieurs observations.

LES RÉFLEXIONS DE PAIX LITURGIQUE

1/ Un tiers des fidèles pratiquants de la paroisse du Pradet assiste à la célébration de la forme extraordinaire. Cette expérience grandeur nature confirme les sondages réalisés par Paix Liturgique : un fidèle sur trois désire vivre sa foi catholique au rythme de la forme extraordinaire.

Les ennemis de la paix peuvent raconter ce qu’ils veulent : preuve est à nouveau faite avec le cas du Pradet que lorsque le curé est bienveillant et tente honnêtement l’expérience du Motu Proprio, les fidèles sont nombreux à souhaiter se sanctifier dans la forme extraordinaire du rite romain.

2/ N'en déplaise aux mauvaises langues, si entre 35% et 50% des paroissiens ont choisi au Pradet de vivre leur foi catholique au rythme de la forme extraordinaire, ce n'est pas parce que les curés y font de la "retape" ou qu'ils y font venir des familles étrangères à la paroisse. Deux paroisses voisines – Hyères et Saint François de Paule à Toulon – offrent en effet la liturgie traditionnelle le dimanche et... continuent à voir croître le nombre de leurs fidèles ! La paroisse du Pradet se situe en effet dans un diocèse où la messe traditionnelle est célébrée dans de nombreux autres églises, diocésaines et non (FSPPX à Toulon et Brignoles). Force est de reconnaître que le diocèse de Mgr Rey connaît un nombre de célébrations extraordinaires plus important que dans la plupart des autres diocèses français. Pourtant, la nouvelle célébration du Pradet ne s’est pas faite au détriment des célébrations extraordinaires préexistantes en ce sens que ce ne sont pas les fidèles de Toulon ou de Hyères qui s’y rendent mais… des fidèles du Pradet. Des fidèles qui, pour l'immense majorité, assistaient avant à la forme ordinaire ou ne pratiquaient plus.

L'exemple du Pradet tord donc le cou à cette idée fausse selon laquelle les fidèles attachés à la forme extraordinaire seraient uniquement ceux qui assistent déjà à la célébration de cette forme liturgique dans les rares endroits existants. Au contraire, les silencieux de l’Église, le tiers des pratiquants qui sont restés dans les paroisses sans rien dire, assistent à la messe traditionnelle quand elle est proposée dans leur paroisse.

Preuve en est également qu’aborder la question de l’application du Motu Proprio uniquement sous l’angle de la demande exprimée ne permet pas de mesurer la réelle attente des fidèles.

3/ Liberté. Voilà un mot qui caractérise cette paroisse. Au Pradet, les co-curés veulent être les prêtres de tous leurs fidèles sans exclusive. Garants de l’unité paroissiale, les curés n’imposent aucune des deux formes liturgiques : chacun a le choix de se rendre à telle ou telle célébration ce qui n’empêche pas les uns et les autres de se retrouver dans le cadre des nombreuses activités paroissiales. Les deux messes ordinaires n’ont pas été supprimées, la messe extraordinaire a juste été proposée en plus.

Cette application du Motu Proprio permet également d’affirmer que là où le prêtre se montre liturgiquement respectueux de chacun, il n’y a pas de querelles des rites. Ici encore – et comme les sondages de Paix Liturgique l'ont maintes fois révélé – preuve est faite que les fidèles ouvertement hostiles à la coexistence des deux formes du rite romain sont largement minoritaires dans les paroisses.

4/ Le Pradet est une illustration exemplaire du respect de la volonté du Pape d'offrir à tous les fidèles les trésors de la liturgie extraordinaire. Le rôle de l’évêque lui-même est exemplaire dans le sens où, selon l’esprit et la lettre du Motu Proprio, il laisse ses curés libres de répondre par eux-mêmes aux demandes des fidèles voire, s'il y a lieu, de les anticiper.

Une paroisse d'avenir

En appliquant de façon normale, c'est-à-dire conforme à la norme établie par Benoît XVI, le Motu Proprio, la paroisse du Pradet ne devrait pas se distinguer des autres paroisses de France. Cependant, dans les faits, illustration concrète de la réalité des aspirations des fidèles, cette paroisse est en avance sur son temps et devrait servir d'exemple aux autres paroisses du pays. Compte tenu de la sociologie du jeune clergé, de l’érosion de l’idéologie post-conciliaire et des souhaits exprimés par les fidèles, on peut dire sans risquer de se tromper que la paroisse du Pradet préfigure ce que sera une paroisse lambda dans 20 ans. Car, et c'est un autre des bienfaits de l'application du Motu Proprio, la désertification religieuse ne menace pas la paroisse.