20 février 2010

[DICI] France : Décès de l’abbé Philippe Sulmont

SOURCE - DICI - 20 février 2010
L’abbé Philippe Sulmont, curé de Domqueur dans la Somme, s’est éteint à l’âge de 84 ans, le 11 février, fête de Notre-Dame de Lourdes, au Brémien Notre-Dame où il s’était retiré. Une messe de Requiem a été célébrée sur place par l’abbé Pierre Buron, le jeudi 18 février. Une délégation de fidèles de Domqueur, où l’abbé Sulmont a été curé pendant 37 ans, avait fait le déplacement. Au moment où nous mettons sous presse, les obsèques suivies de l’inhumation, doivent avoir lieu en l’église de Domqueur le vendredi 19 février, à 14 h 30, où l’abbé Maurice Vignolle, ancien curé de Cambron, célébrera selon le rite traditionnel.

Homme discret, à la plume mordante, l’abbé Sulmont avait l’esprit qui caractérise les Picards. Son bulletin paroissial touchait plus de 4000 lecteurs et dépassait très largement les limites géographiques de sa paroisse de campagne. Il écrivait tout haut ce que beaucoup de catholiques du rang pensaient tout bas. Plusieurs de ses articles ont été recueillis dans un livre au titre éloquent : Curé mais catholique. Suivi de La grammaire du charabia progressiste (Téqui).

On se souvient du procès qui lui fut intenté pour « incitation à la haine raciale », en 2004, et qui donna lieu, deux ans auparavant, à un échange épistolaire édifiant avec l’évêque d’Amiens de l’époque, Mgr Jacques Noyer.

Lettre de Mgr Noyer à l’abbé Sulmont, le 28 novembre 2002
Les propos que vous avez tenus ce mois-ci dans votre bulletin paroissial, faisant suite à ceux que vous aviez tenus précédemment dans le supplément de votre bulletin, ont ému bien des gens.

Vous semblez en appeler à une croisade nouvelle contre l’Islam et même le Coran: ce n’est pas conforme à la position de l’Eglise catholique précisée au Concile dans la déclaration Nostra Ætate.

Par ailleurs prôner une telle attitude est irresponsable par rapport au bien commun de nos cités où la paix reste fragile. Il est du devoir des pasteurs d’inviter chacun à trouver des raisons de vivre ensemble plutôt que d'entretenir des méfiances et des haines ancestrales.

J’ai cru bon de prendre position clairement et publiquement contre vos propos.

J’ai noté également que vous avez écrit ces mots dans la partie paroissiale de votre bulletin, ce qui engage évidemment le diocèse. Je veux bien accepter comme excuse le fait que vous preniez ces discours comme un simple rappel de ce qu’on disait autrefois. En juxtaposant le péril jaune et la présence de l’Islam vous semblez manifester une xénophobie indigne d’un pasteur catholique dans la situation actuelle.

Vous comprendrez que des incidents de ce genre m’encouragent à chercher une solution pour la prise en charge de vos paroisses. Si l’âge peut servir d’excuse à certaines de vos maladresses, il demande par là même un changement dans vos responsabilités.

Je souhaite que vous puissiez publier dans votre bulletin paroissial et sans commentaire cette présente lettre. (…)
Réponse de l’abbé Sulmont à Mgr Noyer, le 3 décembre 2002
(…) Cette lettre contient des éléments étranges :

– Vous semblez être désormais l’allié de la ligue des Droits de l’homme qui est depuis toujours anticléricale et qui pense probablement que les circonstances sont particulièrement favorables à son action.

– Nostra Ætate de Vatican II est en contradiction avec l’apostolat d’un saint François Xavier par exemple, qui aurait dû se contenter d’admirer en paix les idoles jaunes de l’Extrême-Orient. (Voir à ce sujet l’étude documentée du Sel de la Terre n° 42 d’automne 2002 p. 225 à 243)

– On peut s’étonner que la liberté de défendre la foi catholique me soit refusée alors qu’au contraire le combat pour la foi musulmane soit encouragé par vous.

– Je ne comprends pas, de la part de quelqu’un qui se veut démocrate et qui figure en tête du trombinoscope de Golias ! je ne comprends vraiment pas cette attitude dictatoriale qui prétend m’interdire tout commentaire et voudrait me forcer à diffuser des propos insupportables à mes paroissiens. Vous avez l’ambition de me réduire au silence. Mais tout chef dont la démission a été acceptée se doit d’expédier seulement les affaires courantes en attendant l’installation de son successeur.

– « La paix fragile de nos cités » dont vous parlez, Monseigneur, (un agnosticisme bien dosé ?) n’est pas la Paix dont parle l’évangile. Le Christ annonce les persécutions à ceux qui seront fidèles. Cherchez le mot PAIX dans n’importe quelle synopse ou concordance, vous serez édifié.

– Lorsque vous êtes venu au presbytère de Domqueur, le jeudi 24 octobre, c’était bien comme vous l’avouez maintenant, pour essayer de « prendre en charge mes paroisses », contrairement à ce que vous m’avez dit ce jour-là. Mes paroissiens ne peuvent admettre que vous ayez cherché à les abuser sur ce point.

– Pour ma part, je ne puis tolérer que vous me preniez pour un gâteux « dont l’âge peut servir à excuser les maladresses ». Ces mots-là pourraient être retenus comme blessants. Je préfère les oublier. A nos âges, on oublie facilement !

Vous-même, « père-évêque », vous avez sans doute oublié que quatre fois j’ai été agressé (porte forcée, carreaux brisés, gens cagoulés à 4 heures du matin, matelas retourné). On voulait prendre à votre fils-prêtre le magot qu’on espérait trouver chez lui. Mais il n’y avait rien à prendre. Presque tout le casuel est distribué chaque jour aux pauvres.

Ma richesse, ce sont les pauvres qui frappent à ma porte. Ma récompense, ce sont les sacrements que je donne.

Ces richesses-là, Monseigneur, vous ne pourrez pas me les arracher.
(DICI n°210 du 20/02/10)