5 janvier 2010

[Isabelle de Gaulmyn - La Croix] L’évêque d’Évreux en conflit ouvert avec le curé d’une paroisse

SOURCE - Isabelle de Gaulmyn - 5 janvier 2010

L’évêque d’Évreux en conflit ouvert avec le curé d’une paroisse

Dimanche 3 janvier, Mgr Christian Nourrichard, évêque d’Évreux, n’a pu célébrer la messe dans la commune de Thiberville, où il était venu installer un nouveau prêtre, pour remplacer le P. Francis Michel. Il s’est heurté à l’opposition violente des fidèles, qui l’ont hué et pris à partie. Puis, menés par le prêtre récalcitrant, ils sont sortis pour se rendre dans une autre église dont ils ont refoulé l’évêque. Le curé a obtenu le soutien d’un comité, et notamment du maire de Thiberville


Reportage de France 3 Normandie à Thiberville, diffusé le 3 janvier, lors de l'installation du nouveau curé par l'évêque d'Évreux.

Pourquoi un tel conflit ?

Le conflit a atteint de telles proportions, car il a pris une tournure idéologique. Au départ, il s’agit d’une réforme des paroisses, qui concerne tout le diocèse : la paroisse de Thiberville (5 000 habitants) devait être rattachée à un ensemble paroissial plus vaste. Aujourd’hui, devant le manque de prêtres et la diminution des habitants en zone rurale, il n’est plus concevable, explique Mgr Nourrichard, « d’avoir un prêtre pour 5 000 habitants ». Le P. Michel, dans cette paroisse depuis 23 ans, refuse depuis deux ans toute nouvelle affectation, alors qu’il s’y était pourtant engagé par écrit.

Mais sur ce cas classique d’un village qui perd « son » curé, s’est greffé un conflit idéologique. En effet, le P. Francis Michel, soutenu par des fidèles traditionalistes, célèbre, depuis déjà longtemps, en latin, et tourné vers l’autel (mais non en rite tridentin). Selon lui, l’évêque a voulu le punir, et avec son éviction, refuse d’appliquer le Motu proprio de Benoît XVI, qui autorise les célébrations dans la forme extraordinaire du rite (ou tridentine).

Le prêtre est devenu un symbole pour une certaine frange de l’Église : voilà des semaines que les sites et journaux tradionalistes appelaient leurs lecteurs à être présents dimanche à Thiberville. « Je suis tombé dans une embuscade », explique l’évêque, qui rappelle qu’il applique déjà le Motu proprio, avec une célébration le dimanche, à Évreux même, selon le missel de saint Pie V. « Ce diocèse est compliqué », explique-t-il encore, faisant allusion au passé tourmenté de l’ancien épiscopat de Mgr Gaillot : « j’essaie de faire la communion entre les excès de part et d’autre ».

Quel est le devoir du prêtre ?

Le prêtre est lié, par son ordination, à un devoir d’obéissance à l’évêque. Du fait de son incardination dans un diocèse, il doit en effet remplir les charges que lui confie l’ordinaire du lieu, c’est-à-dire l’évêque. En cas de désobéissance, celui-ci est donc en droit de révoquer le prêtre, ce que Mgr Nourrichard a fait lundi 4 janvier avec le P. Michel : de ce fait, il n’est plus curé et ne peut plus célébrer mariages et baptêmes, sinon ils seraient considérés comme illicites.

L’étape suivante serait infiniment plus grave : l’évêque pourrait demander à Rome la suspense du prêtre, sanction pénale, cette fois. Mais le prêtre peut lui aussi faire appel à Rome, ce que le P. Michel s’apprête à effectuer. Certains prêtres, proches des milieux tradionalistes, invoquent ainsi de plus en plus, une légitimité romaine supérieure à celle de leurs évêques. Oubliant que les évêques ont été nommés par le pape.

Isabelle de GAULMYN