1 mars 2009

[Jacqueline Chambon] La messe à l'envers - un essai de Marc Levatois

SOURCE - Jacqueline Chambon - Mars 2009

Quand Paul Claudel, en 1955, dénonce la « messe à l’envers », il fustige par anticipation les réformes liturgiques qui vont se faire jour après Vatican II : abandon du latin et de l’ancien rite tridentin, déplacement des autels dans le chœur des églises, célébration du prêtre « face au peuple »… Quand Benoît XVI, en 2007, publie un motu proprio (lettre émise par le pape de sa propre initiative) libéralisant le recours à la messe tridentine, une partie de l’opinion et de l’Église s’inquiète : il s’agirait d’une conception traditionaliste et intransigeante de la liturgie et d’un abandon de l’ouverture prônée par Jean-Paul II… Marc Levatois montre que les enjeux sont en réalité beaucoup plus complexes. Géographe de formation, il s’est intéressé à l’espace liturgique. En étudiant la configuration des églises avant et après Vatican II, il montre que l’ensemble des réformes entreprises à l’intérieur des lieux de culte ont, consciemment ou non, tendu vers une abolition de la séparation entre espaces sacré et profane. Dans cette perspective, la réhabilitation du rite ancien s’inscrit dans la droite ligne de la pensée du cardinal Ratzinger, depuis toujours attaché à la « beauté de la liturgie » dans laquelle il voit une forme privilégiée d’accès au sacré. Par ailleurs, la volonté de Benoît XVI d’opérer une « réforme de la réforme » ne semble pas tant consister en une restauration stricte qu’en une réintroduction de l’espace dans la réflexion fondamentale sur la liturgie. L’instrumentalisation de cette question par les catholiques tant traditionalistes que progressistes cache donc en réalité un questionnement plus profond, sur la nature même du sacré et son inscription dans l’espace. Tout le mérite de cet essai est de nous en livrer les clés.

Né en 1959, Marc Levatois est agrégé de géographie. Ancien élève de l’Ecole normale supérieure, il enseigne actuelle à l’Ecole de la Légion d’honneur.