2 mai 2005

[Aletheia n°75] Le Centre Saint-Paul - par Yves Chiron

Aletheia n°75 - 2 mai 2005
Le Centre Saint-Paul

Hier 1er mai, en la fête de saint Joseph, l’abbé de Tanoüarn, exclu de la Fraternité Saint-Pie X en mars dernier, inaugurait le “ Centre Saint-Paul ”.
La messe a été célébrée, dignement et bellement, par l’abbé Aulagnier. Le sermon a été prononcé par l’abbé de Tanoüarn. L’abbé Barthe, autre exclu de la FSSPX[1], a aidé à distribuer la communion. L’abbé Guelfucci, qui fut mêlé à l’affaire de Bordeaux mais qui est toujours membre de la FSSPX – il est en fonction au prieuré de Tours – , assurait les confessions.
La chapelle, dédiée à Saint-Joseph, occupe le rez-de-chaussée du Centre Saint-Paul, dans le quartier du Sentier. Elle était pleine et plusieurs dizaines de fidèles ne purent y rentrer, tentant de suivre la messe depuis la rue.
Sans en faire la seule caractéristique du public nombreux qui se pressait à cette messe inaugurale, on dira qu’on y voyait plus de jeans que de mantilles.
Un “ foyer d’énergie spirituelle ”
Dans son sermon, l’abbé de Tanoüarn a présenté le Centre Saint-Paul. Il a parlé longuement, sans notes. Il n’est pas inutile, pour ceux qui s’interrogent sur les ambitions et les intentions de l’abbé de Tanoüarn, de rapporter l’essentiel de ses propos.
Il s’est défendu de vouloir créer une “ paroisse rivale ” (sous-entendu de Saint-Nicolas du Chardonnet), même si trois messes y seront dites chaque dimanche et jour de fête – à 9h, 11 h et 19 h. Le Centre Saint-Paul, a-t-il dit, sera “ plus et autre chose ” : un “ foyer d’énergie spirituelle ”. Dans une société déchristianisée, où “ nous, chrétiens, sommes en quelque sorte en terre étrangère ”, il y a “ nécessité de rayonner le christianisme ”. D’où le patronage de saint Paul, l’Apôtre des Gentils.
Mais, dans le même temps, la chapelle (aménagée en dix jours), a été dédiée à saint Joseph, parce qu’elle se trouve dans la rue Saint-Joseph, au numéro 12. L’abbé de Tanoüarn voit aussi un “ intersigne où la Providence se manifeste ” dans le fait que cet aménagement et cette inauguration se fassent aux premiers temps d’un nouveau Souverain Pontife, prénommé Joseph au baptême, devenu Benoît XVI.
Dans un beau parallèle spirituel, l’abbé de Tanoüarn a présenté la double vocation de la chapelle Saint-Joseph et du Centre Saint-Paul : saint Joseph, dans l’Histoire Sainte, est “ l’homme du dépôt ”, selon l’expression de Bossuet, “ il garde ce que Dieu a donné de plus précieux au monde : son Fils et la Mère de Jésus ” ; saint Paul, lui, “ diffuse, répand le dépôt ” de la Bonne Nouvelle. Double mission donc pour le Centre Saint-Paul : “ Pas de diffusion sans conservation, sinon nous serions dupes de nous-mêmes ”.
Ces belles et bonnes intentions spirituelles se concrétiseront par la prédication et l’enseignement. Outre les messes, il y a tous les dimanches de ce mois de mai, à 16 h 30, la prédication d’un Mois de Marie, par l’abbé de Tanoüarn. Il y aura aussi, tous les mardis de mai et de juin, à 20 h, des conférences. Au programme, le 3 mai, une conférence de l’abbé de Tanoüarn, consacrée à “ L’héritage spirituel de Jean-Paul II, ombres et lumière ” ; le 10 mai une conférence-débat entre l’abbé Aulagnier et Michel De Jaeghere sur “ Les défis de Benoît XVI ” ; le 17 mai, une autre conférence-débat entre l’abbé de Tanoüarn et un mystérieux interlocuteur pseudonyme (“ Petrus ”) : “ Le sédévacantisme, est-ce un débat tabou ? ”. Suivront, les mardis suivants, des conférences d’Aymeric Chauprade, d’Yves Amiot, de l’abbé Laguérie et de l’abbé Christophe Héry.
“ L’autre rive ”
L’abbé de Tanoüarn, en rassemblant autour de lui, en ce jour, plusieurs exclus d’hier ou d’avant-hier, n’entend pas lancer une sorte de “ Fraternité Saint-Paul ”, concurrente de la Fraternité Saint-Pie X et des autres fraternités qui se sont créées par scission. Pas une fois, dans son sermon, le nom de la FSSPX n’a été prononcé.
En même temps, sans y insister, il a exclu toute tentative de négociation d’un statut auprès des autorités ecclésiastiques diocésaines (et romaines ?) : “ pas de mesquines négociations juridiques ” a-t-il dit.
Quand, dans la tranquille certitude de son sermon, l’abbé de Tanoüarn explique aux fidèles : “ nous ne sommes pas statiques, nous passons sur l’autre rive ”, que faut-il entendre ? La rive quittée est-elle celle où se trouve la Fraternité Saint-Pie X, d’où sont issus les quatre prêtres qui se trouvaient là hier ? Ou, “ l’autre rive ” est-elle celle de la réconciliation avec le Saint-Siège dont l’abbé Aulagnier est un ardent partisan depuis plusieurs années maintenant ?
Aux intéressés à répondre. Je ne me permettrai pas de préjuger des intentions des uns et des autres, intentions qui, d’ailleurs, ne sont peut-être pas convergentes.
Le Centre Saint-Paul deviendra, peut-être, un pôle supplémentaire de l’apostolat spirituel et intellectuel qui caractérise d’autres lieux attachés à la Tradition. On songe, par exemple, à la Fraternité Saint-Vincent Ferrier, qui existe depuis vingt-cinq ans maintenant, et à sa revue Sedes Sapientiæ[2].

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LA LAÏCITE DANS L’ÉGLISE, de Jean Madiran
On parle souvent de “ laïcité apaisée ” pour décrire la situation actuelle des rapports entre les religions et l’Etat en France. La loi du 15 mars 2004 réglant “ le port des signes religieux dans les écoles, collèges et lycées publics en application du principe de laïcité ” en serait l’illustration.
Jean Madiran y décerne tout autre chose. Dans un essai très argumenté, il estime que cette loi du 15 mars 2004 “ suppose, implique, manifeste une nouvelle conception de la laïcité ”. L’Etat ne veut plus seulement être “ séparé ” de l’Eglise, il veut que l’Eglise lui obéisse. L’expression est-elle trop forte ? Lisons Madiran :
Précisément, que l’Eglise taise deux choses :
- que l’Etat, pouvoir politiquement autonome, est cependant soumis à une loi morale qui lui est supérieure, qu’il ne peut ignorer ni modifier ;
- que l’Eglise catholique est la seule détentrice de la vérité religieuse tout entière.
Et donc, qu’au contraire :
- l’Eglise accepte, jusque dans l’ordre moral et dans la définition du bien et du mal, la supériorité de la loi civile, émanation de la souveraine volonté générale ;
- et que l’Eglise ne prétende plus être la seule à détenir la vérité religieuse intégrale.
La laïcité n’est donc pas seulement une conception politique et sociale. Inséparablement, elle est une conception impérieuse de qu’il est permis ou non à l’Eglise d’enseigner à ses fidèles.
Ce n’est plus simplement la “ laïcité de l’Etat ”. C’est une obligatoire laïcité de l’Eglise.
La “ laïcité de l’Eglise ”, l’Eglise de France l’a très largement acceptée. Jean Madiran cite les rares voix qui se sont élevées contre cette laïcisation de l’Eglise : Mgr Brincard, évêque du Puy, Mgr Doré, archevêque de Strasbourg, Mgr Breton, évêque d’Aire-sur-Adour et de Dax.
L’Eglise de France, note encore Jean Madiran, se laisse conduire à atténuer puis à taire dans son enseignement, dans sa catéchèse et dans ses écoles, les chapitres de sa doctrine qui se déclinent autrement que les droits de l’homme, autrement que le principe de mixité et celui de laïcité. Précisément : elle se limite un peu trop au Rendez à César ce qui est à César, sans énoncer aussi que le Rendez à Dieu ce qui est à Dieu est une obligation pour César lui-même. – Actuellement, on ne peut en convaincre le César républicain ? – On pourrait du moins s’attacher à en convaincre les catholiques ; en avertir aussi tous ceux qui, par hasard ou par curiosité, une fois ou souvent, prêtent l’oreille au langage que tient l’Eglise. Ils l’entendent ordinairement parler de psychologie, de sociologie, d’économie politique. Ils devraient l’entendre parler de rédemption, de vie éternelle, de salut des âmes ; de l’espérance d’un salut ; du fait que l’Eglise seule en détient les paroles et les sacrements, contrairement à ce qu’insinue ou proclame le Panthéon de la laïcité républicaine. Et s’il n’est pas actuellement possible – en effet ! – qu’un tel langage soit admis dans l‘école publique ni à la télévision, du moins on voudrait qu’il ne cesse de se faire entendre dans les églises et dans les monastères dans les écoles libres et dans les cercles d’études, dans le scoutisme et les autres associations catholiques.
Le précédent livre de Jean Madiran, La Trahison des commissaires, n’a pas été sans produire, semble-t-il, quelque effet sur certains évêques. Celui-ci, et ses annexes, devrait être lu aussi avec attention, et reconnaissance.
Jean Madiran
La Laïcité dans l’Eglise
La nouvelle laïcité
Le sens usuel d’un mot à double sens
Le principe constitutionnel
La laïcité telle qu’on la parle au XXIe siècle
Dans le vocabulaire de l’Eglise
La stratégie de la Conférence des évêques
Face à l’Islam
Incertitudes, concepts inadéquats et contradictions
La condition du droit à l’existence
La parabole du pommier
Appendice I : La loi de 1905
Appendice II : Réflexion sur les deux pouvoirs
Appendice III : Requiem pour trente de théologie
Appendice IV : La démocratie des mœurs.
Un volume de 152 pages, aux éditions Consep.

Disponible à Aletheia au prix de 18 euros franco. Indiquer ses NOM, PRENOM, ADRESSE, et le nombre d'exemplaires souhaités. Paiement à la commande. Chèque à l’ordre des Editions Nivoit, 5 rue du Berry, 36250 Niherne.


[1] C’était en 1980, pour sédévacantisme.
[2] Dans le dernier numéro paru de la revue (Société Saint-Thomas d’Aquin, 53340 Chémeré-le-Roi), n° 91, 8 euros, on lit un long entretien avec le P. Louis-Marie de Blignières, Prieur et fondateur de la Fraternité. Une version, abrégée, de cet entretien avait déjà paru en janvier dernier dans L’homme nouveau. Le P. de Blignières s’explique, notamment, sur son changement de position, en 1987, sur la liberté religieuse et le sédévacantisme.